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Stavros Theodorakis, la nouvelle alternative politique en Grèce?

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JOL Press : Comment expliquer la percée de « La Rivière » sur la scène politique grecque ?
 

Alexia Kefalas : Les Grecs se détournent des partis traditionnels. Ils en ont assez, ne serait-ce que du terme « parti » ou  « mouvement », et cela, Stavros Theodorakis l’a bien compris. En fondant « La Rivière » – « To Potami » en Grec – il a pris soin de ne pas appartenir à un parti politique afin d’attirer l’opinion publique.

Stavros Theodorakis jouit également d’un capital sympathie important, grâce à sa carrière à la télévision, qui lui permet de se déplacer et aller à la rencontre les gens. Journaliste dans des émissions populaires, il rencontrait toutes les couches de la population. Il s’est rendu compte qu’il pouvait changer les choses et que l’on pouvait arriver à un système un peu plus juste. Pour cela il a composé son parti avec des gens complètement inconnus, mais qui se sont distingués dans leurs domaines : que cela soit un inspecteur des impôts ou un professeur. Il ne s’agit donc pas de recyclage d’un parti politique. Cet aspect nouveau en politique, « un peu de gauche et un peu de droite » a donc rapidement représenté une alternative alors que les Grecs qui se détournaient de la politique, et que tout le monde s’en ai mis plein les poches pendant 40 ans de laxisme budgétaire qui a mené le pays à cette crise économique.

JOL Press : Le parti de  Stavros Theodorakis pourrait-il s’imposer aux élections européennes ?
 

Alexia Kefalas : Oui, « La Rivière » peut récolter un score à deux chiffres et faire plus de 10%. Le parti a tout de même détrôné l’Aube Dorée, qui était tout de même la troisième force politique et qui risque de n’obtenir que deux sièges au Parlement européen au lieu de quatre. La percée de « La Rivière » montre aussi que tout n’est pas mort en Grèce. Le pays est frappé depuis 2012 par une crise politique sans précédent : nous n’arrivions pas à un former un gouvernement, les premiers ministres se sont succédé…Les années 2012 et 2013 ont été un cauchemar pour la vie politique grecque. Stavros Theodorakis vient marquer un nouveau chapitre, une nouvelle tendance. Désormais, il faut encore voir si le parti va être soutenu. Si un parti politique vient soutenir « La Rivière » de quelque manière que ce soit, cela marquera peut-être la fin du parti…

JOL Press : Absence de propositions, positionnement peu clair…Quels sont les principaux reproches formulés à l’égard de Stavros Theodorakis ?
 

Alexia Kefalas : On lui reproche souvent de représenter les grands groupes qui détiennent des chaînes de télévision – comme « Méga Channel » – qui pèsent sur la scène politique grâce à leurs médias. On lui reproche également de ne pas avoir de programme mais aussi de recycler de vieilles propositions : il veut par exemple séparer l’Eglise et l’Etat…Il s’agit d’un marronnier: c’est une proposition qui vient du Parti socialiste grec (Pasok).

Stavros Theodorakis n’apporte rien de nouveau dans ses propositions, mais il est en revanche novateur dans son style : il vient en jean, en baskets, et porte un sac-à-dos, et surfe sur ce style.

Le plus grand comique grec Lakis Lazopoulos – le « coluche grec » qui a été démarché pour intégrer les listes du parti de gauche radicale – s’en ai pris ouvertement à Stavros Theodorakis en disant qu’il s’agissait d’une « Rivière » qui puisait dans le Pasok et qui se déversait dans la Nouvelle Démocratie, estimant qu’il s’agissait d’un recyclage politique et non pas d’une solution alternative.

JOL Press : Est-ce pour son style qu’on le compare autant à l’Italien Beppe Grillo ?
 

Alexia Kefalas : Effectivement, on le compare souvent à Beppe Grillo. Mais au moindre faux pas, il pourra être aussi grillé. Beaucoup l’attendent au tournant. Il y va pas-à-pas : l’enjeu concerne aujourd’hui les élections européennes, un scrutin très important qui lui permettra de s’inscrire dans le paysage politique dans le but de former une liste pour des élections nationales. La question pour l’instant est de savoir si, comme Beppe Grillo, il fera un score honorable mais il sera tout de même en porte à faux, ou contraire cela sera une véritable solution pour la classe politique grecque…

Stavros Theodorakis a affirmé que s’il échouait il deviendrait agriculteur et ne retournerait pas dans le journalisme. C’est intéressant car c’est une tendance qui est de plus en plus visible en Grèce : énormément de journalistes, qui jouissent d’une certaine popularité, sont candidats pour les élections municipales ou européennes en mai.

Propos recueillis par Louise Michel D.

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Alexia Kefalas est correspondante en Grèce pour de nombreux médias dont France 24, Canal+, i-Télé, RTL, Le Point ou Le Figaro. Elle est également l’auteure du livre Survivre à la crise – La méthode grecque, Editions de La Martinière, publié en avril 2013.

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