Site icon La Revue Internationale

Avec Bogdan: avoir 20 ans en Roumanie aujourd’hui

[image:1,l]

« Es-tu écrivain, ou quelque chose dans le genre ? » me lance une voix à ma gauche, dans le train. Je sors la tête de mon carnet de voyage, et me tourne vers mon voisin de cabine pour lui expliquer le projet de JOL Europe Express : rencontrer les jeunes pour comprendre leurs attentes à quelques jours des élections européennes. Le jeune homme, la vingtaine, a l’air intéressé… et surtout d’avoir des choses à dire ! Arrivés en gare de Bucarest, nous descendons du train pour aller discuter dans un endroit plus calme.

Une transition difficile

« Le régime communiste est tombé en 1989, mais l’esprit du communisme perdure dans la société roumaine, dans la manière de penser de la population », m’explique Bogdan Pietreanu, qui vient de finir ses études de sciences politiques à l’université de Bucarest. Pour lui, la transition démocratique et l’adoption du capitalisme seront pleinement atteintes une fois que tous les ex-dirigeants et politiques du régime communiste auront « disparu » : « Les politiques sont tous les mêmes, tous liés au communisme comme une ‘mafia’» lance Bogdan, avant de s’exclamer: « Victor Ponta, le Premier ministre actuel est la marionnette d’Ion Iliescu », qui a pris les rênes du pouvoir en 1990.

« Une génération léthargique »

Le garçon ne se sent pas représenté et ne voit pas d’espoir de changement parmi les jeunes figures politiques : « Ma génération est une génération léthargique : nous n’avons aucune ambition : nous parlons sans arrêt de changer les choses, mais nous ne faisons rien ! » estime Bogdan, tout en regrettant que les Roumains soient sans cesse pointés du doigt comme des « gypsy », des « voleurs », et que les bons côtés du pays restent dans l’ombre: « Si vous allez dans la campagne en Roumanie, les habitants vous accueilleront les bras ouverts, et prendront soin de vous : c’est ça notre talent ! ».

[image:2,l]

Bogdan ira voter ce week end pour les élections européennes, et tiendra même un bureau de vote, bien qu’il avoue le faire d’avantage pour la rémunération – 40 euros la journée – plutôt que par devoir citoyen et implication politique. Son expérience au sein du programme « Sector 2 Young Parlement », transformé plus tard en association au lycée, l’a quelque peu refroidi : « Nous avons dû faire de la propagande pour le parti de l’Union nationale pour le progrès de la Roumanie (UNPR) en distribuant des casquettes et autres gadgets aux couleurs du parti : nous étions les esclaves du parti, c’était un vrai lavage de cerveau » se souvient-il. 

« Le gouvernement vend le pays »

Alors que la Roumanie a été le théâtre de grandes manifestations contre le projet d’exploitation de la mine d’or de Roșia Montană, en automne 2013, le jeune homme accuse le gouvernement d’être en train de « vendre le pays » : « Les politiques au pouvoir font  bien comprendre à la population qu’il s’agit de leur territoire et qu’ils peuvent en faire ce qu’ils en veulent… » explique-t-il, avant d’ajouter : « Le projet de Roșia Montană est toujours d’actualité : il a été signé, et Chevron Coorporation [compagnie pétrolière américaine, ndlr] devrait bientôt commencer à exploiter la mine… ».

Bogdan reprend sa respiration tout en sortant de sa poche une autre cigarette : « Je ne veux pas de ça pour mon pays, personne ne veut de ce projet ici. Mais les politiques roumains ne prennent pas en compte les risques sanitaires et s’en fichent pas mal de ce que les gens veulent et quelle sorte de vie nous allons donner à nos enfants et petits-enfants ».

Quitter la version mobile