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Dessy, guide touristique: «Donner aux gens une autre image de Sofia»

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 « Je suis anxieuse : ce n’est que le troisième tour que j’encadre » avoue Dessy, jeune guide touristique à Sofia. En parallèle à ses études à l’université de Sofia, la jeune femme de 22 ans travaille pour l’association « Free Sofia Tour » qui propose des balades touristiques gratuites à travers la ville.

«  J’ai choisi de faire ce travail pour montrer Sofia sous un autre angle aux personnes venues des quatre coins de la Terre. Nous sommes un ancien régime communiste, et les raccourcis sont faciles…», explique-t-elle. « Ce n’est pas qu’une ville minée par la corruption et remplie de monuments laids, comme je peux l’entendre parfois…»

Devant le Palais de Justice, protégé par deux lions en bronze, Dessy brasse 600 ans d’Histoire en cinq minutes pour finalement en arriver au régime politique actuel : une de « sorte de démocratie » déclare-t-elle.

Le souvenir de manifestations massives à Sofia

L’année dernière, Sofia a été le théâtre d’importantes manifestations contre la corruption et l’oligarchie. Pendant plusieurs mois, les gens sont descendus dans la rue pour pousser le gouvernement de Plamen Orecharski à démissionner, quelques semaines seulement après la chute du premier ministre Boïko Borrissov (GERB, centre-droit) en mars 2013. Fraîchement élu, Plamen Orecharski, proche du BSP, le parti socialiste bulgare, s’est attiré les foudres de la population en nommant l’oligarque Delyan Peevski, magnat de la presse, à la direction de l’Agence de sécurité nationale, avant de faire marche arrière.

 « La nomination d’un homme lié à la mafia bulgare a suscité l’indignation de la population et les étudiants ont rejoint le mouvement en octobre dernier, » rappelle Dessy.

« Cette colère est quelque chose de difficile à expliquer avec des mots car c’est en nous, » confie-t-elle, après la balade. « J’entends de nombreux de mes amis, opposés au gouvernement en place, me dire qu’ils n’iront pas voter car rien ne changera. Cette réaction me rend folle ! » s’exclame la jeune femme. « Si les jeunes Bulgares tiennent tous ce discours, évidemment rien n’évoluera ici… ».

Dans son entourage, elle a été scandalisée par certains propos tenus concernant les manifestations : « j’ai entendu des gens se plaindre car les sit-in organisés par les étudiants causaient des embouteillages, » déplore la jeune guide qui différencie deux groupes de personnes : « les indifférents », ceux qui ne sont pas d’accord avec le gouvernement bulgare mais qui ne veulent rien faire pour que cela change, et « ceux qui se battent et qui protestent pour essayer de faire avancer les choses ».

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Les élections européennes, un test pour le gouvernement bulgare

Dans le centre de Sofia, un grand stand arborant le drapeau de l’Union européenne a été installé dans le cadre de la campagne pour les élections, qui se dérouleront la semaine prochaine : « Ces élections  vont être un test pour la classe politique qui nous dirige, » explique Daniel, un jeune homme de 26 ans, un autre guide de « Free Sofia Tour ». « Si les résultats ne sont pas en faveur du parti au gouvernement, de nouvelles élections devraient avoir lieu, un ultimatum pour le gouvernement en place » poursuit-il.

Daniel se montre plus confiant que Dessy quant au taux de participation au scrutin européen, et concernant l’implication des jeunes bulgares aujourd’hui en politique: « Depuis les manifestations, les gens se sentent plus impliqués dans la vie politique en Bulgarie, cela a permis de générer une réflexion dans la population » explique-t-il.  

« C’est comme si nous n’apprenions jamais de nos erreurs »

Alors que le controversé Delyan Peevski, numéro deux sur la liste du très radical Mouvement bulgare des droits et des libertés (MDL), est pratiquemment certain d’obtenir un siège au Parlement européen, Daniel avoue avoir « honte de cette situation ».  « J’ai l’impression que l’histoire se répète : nous voulions en finir avec un régime communiste, mais ils ont été réélus. Nous ne voulions pas de Peevski, et il est pourtant aujourd’hui sur le point d’obtenir un siège au Parlement européen… » estime, pour sa part, Dessy. Et d’ajouter : « C’est comme si nous n’apprenions jamais de nos erreurs ».

 

Par Louise Michel D. pour JOL Press

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