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Européennes: les Verts peuvent-ils créer la surprise?

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En 2009, les écologistes avaient créé la surprise au européennes en arrivant en troisième position avec 16,3% des voix. Un tel score est-il envisageable le 25 mai prochain ? Les sondages ne semblent pas l’annoncer. « En mai 2009, nous étions crédités à 7 %. Aujourd’hui, nous sommes à 9 % », explique Yannick Jadot, porte-parole de la campagne et tête de liste dans l’Ouest. A-t-il raison d’être si confiant ?

JOL Press : Les Verts peuvent-ils réitérer leur score de 2009 à l’occasion des élections européennes ?

Daniel Boy : 2009 était une période de très grand dynamisme pour EELV : la ligne idéologique du parti était à la jonction entre la partie environnementale qui venait de Nicolas Hulot et le courant traditionnel des Verts. Par ailleurs, le Parti socialiste était au plus bas, il avait obtenu 16,5% des suffrages. 2009 restera une exception. Dans l’histoire, dépasser les 10% est plutôt rare pour les écologistes aux européennes.

La question pour les élections à venir est de savoir si les électeurs  ne vont pas sanctionner leurs alliances avec le Parti socialiste et le gouvernement ces deux dernières années. Il ne faudrait pas pour eux qu’ils subissent la même baisse dont risque de souffrir le Parti socialiste à l’occasion de ces européennes. Si on regarde le baromètre TNS Sofres sur l’image des partis, on constate qu’EELV est beaucoup plus bas qu’il ne l’était en 2009 : en 2009, les Verts étaient à 40% d’opinions favorables, aujourd’hui ils sont à 31%. C’est cependant plus que les autres partis politiques.

Je crois que cela va être difficile pour eux d’arriver à 10% parce que leur attitude ces six derniers mois n’a pas été très enthousiasmante. Leurs alliances avec le PS et leurs hésitations sur la participation gouvernementale n’ont pas dû être très appréciées des électeurs. Il ne faut pas oublier que les européennes sont des élections très spéciales : seuls 30 à 35% des Français se déplacent pour voter. Ce sera donc difficile de se prononcer sur cette fraction de la population.

JOL Press : Les électeurs ne vont-ils pas se servir, au contraire, du vote écologiste pour sanctionner le gouvernement ?

Daniel Boy : C’est, en effet, envisageable. Traditionnellement, lors de ces élections intermédiaires, un certain nombre d’électeurs, qui balancent entre le Parti socialiste et les Verts, profitent du scrutin pour sanctionner le gouvernement. Si c’est le cas, le score des Verts pourrait ne pas être trop mauvais et bénéficier de l’impopularité du gouvernement. Les électeurs de gauche peuvent souhaiter punir le Parti socialiste en votant pour EELV mais le parti a été malgré tout présent au sein de ce gouvernement pendant deux ans, le vote sanction ne se retournera donc peut-être pas à leur avantage.

JOL Press : Les européennes sont-elles plus faciles pour les Verts que les municipales ou les législatives ?

Daniel Boy : Certainement et quand il n’y avait qu’une seule circonscription, c’était encore mieux. L’élection a lieu à la représentation proportionnelle. Les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Ce mode de scrutin permet aux Verts d’éviter les alliances et de révéler le poids de chaque parti. Lors de municipales ou de régionales, on peut se présenter seul au 1er tour et faire des alliances au 2nd tour quand on a fait entre 5 et 10%, dans ces cas-là, les alliances sont intéressantes pour les Verts. Le pire, ce sont les élections législatives, le système des circonscriptions réservées est mortel pour eux.

JOL Press : Quel est l’enjeu de ces élections pour Europe Écologie Les Verts ?

Daniel Boy : Les écologistes vont axer leur campagne sur l’environnement. L’avantage lors de ces élections, c’est que l’environnement est un enjeu important à l’échelle européenne : on dit que 70 à 80% du droit de l’environnement est produit par les directives de Bruxelles. L’Europe promeut la protection de l’environnement quand la France est bien souvent en retard. Les Verts vont donc parler plus d’environnement que de social, ce qui est plus au centre de leurs compétences.  Quand on regarde leur programme, les écologistes ne parlent cependant pas que d’environnement, mais aussi de l’immigration en Europe et de santé.

JOL Press : José Bové, candidat aux élections européennes dans le Sud-Ouest, sera-t-il aussi charismatique Daniel Cohn-Bendit, candidat pour la circonscription Île-de-France, en 2009 ?

Daniel Boy : Daniel Cohn-Bendit avait, selon moi, un leadership plus large que celui de José Bové. Il avait en 2009, l’avantage à la fois de pouvoir attirer des Verts mais aussi des électeurs plus environnementalistes, plus centristes, des cadres supérieurs du privé. Daniel Cohn-Bendit a toujours été moins fondamentaliste que les Verts. José Bové n’attire à lui que les écologistes, c’est quelqu’un de très sympathique mais il n’a pas le charisme de Cohn-Bendit.

Il faut bien comprendre, cependant, que l’excellent score de 2009 n’a pas été totalement dû à la personnalité de Daniel Cohn-Bendit. Les élections arrivaient deux ans après le Grenelle de l’Environnement qui se plaçait dans la lignée du Pacte écologique proposé par Nicolas Hulot. Aujourd’hui, Nicolas Hulot ne se reconnaît plus du tout  au sein d’EELV, la dynamique n’est plus la même.

JOL Press : Quelle est l’erreur à éviter absolument ?

Daniel Boy : Il y a tant d’erreurs qu’on peut faire… Je pense que la vraie erreur serait de politiser la campagne et de traiter les questions selon le clivage gauche/droite. Les Verts ont tout intérêt à polariser leur discours sur l’environnement, surtout dans le cadre d’élections européennes.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Daniel Boy est titulaire d’une licence en droit et diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris. Il est directeur de recherche (FNSP) au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po, et enseignant au master de Sciences Po notamment en analyse quantitative des données. Ses recherches se sont développées dans trois domaines : la sociologie électorale, l’écologie politique en France et en Europe, les relations entre science, technique et société.

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