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Extrêmes droites: pas d’onde de choc en vue aux Européennes

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JOL Press : Surfant sur la vague eurosceptique, les extrêmes droites européennes espèrent percer aux élections européennes. Qu’en est-il selon vous ?
 

Jean-Yves Camus : Je parlerais avec la plus grande prudence de la montée des partis d’extrême droite en Europe. Cette poussée est très inégale, il existe même des pays où ces formations reculent. Certains Etats durement touchés par la crise ne connaissent pas de progression des populismes d’extrême droite. C’est par exemple le cas en Espagne, au Portugal et en Irlande. A l’inverse, les partis xénophobes sont très présents en Suisse et en Norvège, deux pays qui ne sont pas membres de l’UE mais à l’économie prospère. Au sein de l’Union européenne, sauf en Hongrie et dans notre pays, la tendance est à une baisse électorale de l’extrême droite.

JOL Press : Quelles sont les couches sociales séduites par ces partis d’extrême droite ?
 

Jean-Yves Camus : Il s’agit principalement des employés, de la classe ouvrière et de la classe moyenne inférieure. Les membres de ces catégories sont les plus touchés par la crise, les plans d’austérité et les restructurations d’entreprises. De manière générale, ces partis d’extrême droite récoltent des voix auprès des perdants objectifs de la globalisation et de ceux qui éprouvent un sentiment d’insécurité par rapport à leur travail et leur statut social. Ce sont les personnes qui s’inquiètent de la transformation de nos sociétés vers un monde multiculturel.

JOL Press : Ces partis d’extrême droite sont populistes et anti-Europe. Mais l’inverse n’est pas forcément le cas.
 

Jean-Yves Camus : Effectivement. Le terme d’extrême droite est parfois utilisé à tort et à travers. Le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (en anglais United Kingdom Independence Party, Ukip) de Nigel Farage est un parti eurosceptique issu de la matrice idéologique de la droite conservatrice. De son côté, Alternative pour l’Allemagne (en allemand Alternative für Deutschland, AfD) réclame la sortie de l’euro et se prononce contre la composition actuelle de la zone euro. Cette formation ne critique pas l’Europe en soi. AfD récolte des voix auprès d’électeurs qui ont le sentiment de trop payer pour les pays qui laissent filer leur déficit.

JOL Press : Vous parliez du cas spécifique de la Hongrie. Comment expliquer la poussée de l’extrême droite dans ce pays ?
 

Jean-Yves Camus : Le Jobbik (Mouvement pour une meilleure Hongrie) a obtenu 20,54% des voix aux élections législatives d’avril 2014. Les Hongrois sont extrêmement fiers de leurs particularismes ethniques et linguistiques. Ils n’ont pas digéré l’affront du traité de Trianon (1920) qui a amputé le pays des deux-tiers de son territoire (Croatie, Ruthénie, Slovénie, Transylvanie). Il y a une certaine nostalgie de la «Grande Hongrie». Le gouvernement de Viktor Orban n’a pas les yeux tournés vers l’Europe. Il y a toute une reconstruction de l’Histoire qui s’ajoute à cela : le Jobbik considère que la Hongrie a des liens naturels avec la Turquie et l’Asie centrale.

JOL Press : Ailleurs en Europe, quels sont les pays où l’extrême droite progresse ? Comment l’expliquer ?
 

Jean-Yves Camus : Le cas hongrois reste exceptionnel dans la partie orientale de l’Europe. Dans les pays voisins – la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Pologne –, l’extrême droite a reculé ces dernières années. En Europe de l’ouest, les partis nationaux-populistes qui réalisent les meilleurs scores sont : le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), le Parti du peuple danois (DF), Les Vrais Finlandais, le Parti pour la liberté aux Pays-Bas (PVV) et le Front national en France.

On peut mettre en avant des grands traits communs pour expliquer la montée de ces partis : le refus du multiculturalisme et de l’immigration couplé à une perte de repères, le sentiment que l’Europe dysfonctionne, que l’Etat-nation n’a plus suffisamment de prérogatives, que le passage à l’euro a eu des conséquences négatives sur le pouvoir d’achat… Une fois qu’on a dit cela, il y a autant de perspectives que de pays différents.

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