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Gaz: «L’accord entre la Russie et la Chine est un pied de nez à l’Europe»

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Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping ont signé à Shanghai ce contrat entre le géant énergétique chinois CNPC et le russe Gazprom (Photo: Shutterstock.com) 

JOL Press : La presse évoque un «méga-contrat» conclu entre Moscou et Pékin. Qu’en est-il ?
 

Jean-Marie Chevalier : La Russie cherche depuis longtemps à exporter une partie de son gaz vers l’Asie. Tout le problème est d’atteindre ce vaste marché. La construction de gazoducs rend le prix de l’acheminement du gaz vers la Chine très cher. En termes d’équivalence énergétique, transporter du gaz est sept à dix fois plus coûteux que de transporter du pétrole.

Pour les Russes, exporter vers l’Est est moins rentable que d’exporter vers l’Ouest. Moscou a donc franchi une étape importante en signant cet accord avec Pékin. Mais, d’après les informations dont on dispose, tous les détails ne sont pas réglés (notamment les questions de prix et d’exemptions fiscales par exemple). Pour le moment, il s’agit surtout d’un effet d’annonce.

Par ailleurs, les volumes annoncés, jusqu’à 38 milliards de mètres cubes par an, sont peu importants par rapport aux 160 milliards de mètres cubes vendus chaque année à l’Europe. Il s’agit effectivement d’un contrat important pour la Russie, mais cela ne provoquera pas de bouleversement notable.

JOL Press : Que signifie la conclusion de ce contrat pour la Chine et la Russie ?
 

Jean-Marie Chevalier : Pékin, qui a soif d’énergie pour nourrir sa croissance, veut diversifier ses sources d’approvisionnement. Aujourd’hui, la plupart des importations chinoises de pétrole, de gaz et de charbon arrivent par la mer de Chine. Il y a une volonté de rééquilibrage en faisant venir des matières premières par l’Ouest (Russie, Turkménistan, Azerbaïdjan etc.).

Pour la Russie, cette opération commerciale est aussi une opération diplomatique. Dans un contexte de vives tensions à propos de l’Ukraine, cet accord est une sorte de pied de nez aux Occidentaux. Vladimir Poutine montre ainsi que son pays a des alternatives pour écouler son gaz hors d’Europe. Quelques heures avant la signature de ce contrat, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso avait appelé le président russe à respecter son «engagement» de poursuivre les livraisons de gaz à l’Europe…

Certes, les négociations entre Moscou et Pékin étaient engagées depuis plus de 10 ans. Qu’importe : le coup diplomatique du président russe consiste à avoir signé cet accord en grande pompe avec son homologue chinois Xi Jinping. 

JOL Press : La signature de ce contrat pourrait-elle avoir des conséquences pour les Européens ?
 

Jean-Marie Chevalier : Non, je ne crois pas. D’abord parce que l’Europe reste le marché naturel de Gazprom. De plus, les Européens payent un prix assez rentable pour les Russes. Même si certains pays sont plus dépendants que d’autres du gaz russe (Bulgarie, Pologne, République tchèque etc.), la situation n’est pas inquiétante. La demande de gaz a diminué depuis deux ans. Compte tenu de cette baisse, il y a du gaz disponible ailleurs qu’en Russie.

Ce nouveau flux de gaz russe vers l’Asie correspond à une multiplication des flux gaziers à l’échelle mondiale, avec une volonté des importateurs et des exportateurs de diversifier les marchés et les sources d’approvisionnement.

Propos recueillis par Marie Slavicek pour JOL Press

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