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L’après Barroso: vers un bras de fer entre le Parlement et le Conseil?

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La Commission européenne a l’initiative dans les domaines couverts par les traités (shutterstock.com)

Conformément aux dispositions du traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, « en tenant compte des élections au Parlement européen et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée », devrait proposer « au Parlement européen un candidat à la fonction de Président de la Commission » (art. 17, par. 7 TUE). Cela veut dire que, pour la première fois, les élections européennes vont permettre aux citoyens d’élire, de manière indirecte certes, le président de la Commission.

JOL Press : Pour la première fois, les élections européennes vont permettre aux citoyens d’élire, de manière indirecte, le président de la Commission. Comment cela va-t-il se passer ?

Gérard Bossuat : On peut dire que c’est une véritable innovation. Peut-on parler d’amélioration démocratique ? Je le pense, bien évidemment. Le Conseil européen désignera un candidat à la présidence de la Commission en tenant compte du rapport de force issu des élections du 25 mai. Ce candidat devra ensuite être élu par le Parlement. Etant donné la configuration politique actuelle, je pense que le Parti populaire européen (PPE) et le Parti socialiste européen (PSE) auront la possibilité de faire des propositions de candidats, en s’alliant éventuellement avec d’autres partis. Mais il est aussi possible que le Conseil ne prenne pas en compte la proposition du Parlement européen.

JOL Press : Si les eurosceptiques sont très nombreux, à l’issue des élections du 25 mai, quelles seront les conséquences ? Peut-il y avoir une situation de blocage ?

Gérard Bossuat : Il ne faut pas se faire peur. La géographie électorale est telle qu’actuellement les populistes ne peuvent pas remporter plus de 25% des voix, selon les estimations. A partir du moment où la proposition du candidat émane du parti arrivé en tête, on voit mal comment les eurosceptiques pourraient créer une situation de blocage. Il pourrait y avoir blocage si, par exemple, une coalition se mettait en place entre le Parti populaire européen et les populistes pour empêcher la nomination du candidat du Parti socialiste européen. Cependant en terme de crédibilité politique, ces différents partis auraient trop à perdre à agir de la sorte. Ce scénario paraît impossible.  

Si l’un ou l’autre des grands partis a une majorité, la question sera vite réglée. Si cette majorité est relative, il pourra y avoir, en effet, quelques difficultés. Par ailleurs, si le PSE est majoritaire, il y aura aussi quelques difficultés dans la mesure où le Conseil est majoritairement plutôt à droite.

JOL Press : François Hollande et Angela Merkel se retrouvent les 9 et 10 mai à Stralsund pour aborder la question de la nomination du futur président de la Commission européenne. Parviendront-ils à se mettre d’accord ?

Gérard Bossuat : Je me demande pourquoi  ils ne l’ont pas fait plus tôt. On a l’impression d’une politique menée à la petite semaine. Quelle est la direction donnée à l’Europe ? On n’en sait rien. Malgré ce que disent les commentateurs, je ne trouve pas que le couple franco-allemand se porte bien et je ne crois pas qu’ils parviendront facilement à se mettre d’accord sur la nomination du futur président de la Commission européenne.

Certes, les conservateurs de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD gouvernent l’Allemagne de concert autour d’Angela Merkel, mais est-ce une garantie de succès ? J’imagine mal François Hollande soutenir l’ancien Président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker (candidat du PPE) ou Angela Merkel se ranger du côté de Martin Schulz (candidat du PSE), actuel président allemand du Parlement européen. Un troisième nom pourrait éventuellement sortir, mais cela me paraît peu probable.

JOL Press : En quoi la nomination du futur président de la Commission européenne est-elle si importante ?

Gérard Bossuat : La Commission a l’initiative dans les domaines couverts par les traités européens mais cette initiative doit être ratifiée par le Conseil. Le Conseil examine les propositions de la Commission pour que ces propositions deviennent des lois après un passage devant le Parlement européen. Ce qu’il faut retenir c’est que la Commission a l’initiative dans l’organisation des pouvoirs européens. Elle a donc un rôle très important.

La fonction de président de la Commission européenne est un poste très important parce qu’il est devenu politique. Avant, est-ce qu’on discutait de la couleur politique ? Qui sait que José Manuel Barroso est un homme de droite ? Désormais, les Européens sauront que celui qui sera président de la Commission européenne aura une couleur politique et posera des choix qui correspondront à ses idées politiques. Cette légitimité qu’il aura du Parlement lui donnera, par ailleurs, des responsabilités beaucoup plus importantes qu’avant, on peut même imaginer qu’il aura un programme.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Gérard Bossuat est professeur à l’Université de Cergy-Pontoise, titulaire de la chaire Jean Monnet ad personam. Il est l’auteur de Histoire de l’Union européenne : Fondations, élargissements, avenir (Belin, 2009) et co-auteur du Dictionnaire historique de l’Europe unie (André Versaille, 2009).

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