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Poussée des euroscepticismes: ce que Bruxelles doit entendre

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Presque partout en Europe, les partis hostiles à la construction européenne ont vu leurs résultats progresser (Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : Quel est le principal enseignement de ce scrutin ? 
 

Bruno Cautrès : Il s’agit bien évidemment de la montée, ou de la confirmation, ou de la percée, selon les pays, du vote en faveur des partis qui contestent l’Europe. Ce phénomène s’observe à droite – avec le Front national, le FPÖ autrichien, le Jobbik hongrois etc. -, mais aussi à gauche. En Grèce, le parti Syriza (gauche radicale) est arrivé en tête par exemple. 

JOL Press : Le faible taux de participation est-il, lui aussi, l’indicateur d’une remise en cause l’UE ? 
 

Bruno Cautrès : Le taux de participation à ces élections a été de 43,11% en moyenne dans l’ensemble de l’Europe (selon des estimations publiées dimanche soir, ndlr). Un taux stable par rapport au record à la baisse de 43% atteint en 2009 et qui semblait inéluctable. Dans un contexte de crise économique, c’est le signe qu’un certain nombre de citoyens ont voulu prendre la parole pour exprimer un avis critique envers l’UE.

Si on prend le cas de la France, il est intéressant de constater que le vote FN a séduit une part importante des plus modestes, des moins diplômés et des plus jeunes. Ce sont des électeurs qui avaient a priori toutes les raisons de ne pas se rendre aux urnes pour un scrutin qui, habituellement, mobilise peu les citoyens les plus distants vis-à-vis de la politique. 

JOL Press : Les électeurs qui ont voté pour des partis eurosceptiques disent-ils non à l’Europe de manière générale ou non à cette Europe-là ? 
 

Bruno Cautrès : Cela dépend. La contestation de l’Europe prend des formes très différentes d’un pays à l’autre. Il y a d’abord l’opposition au principe même d’intégration européenne. C’est le cas au Royaume-Uni avec le parti Ukip (29%) qui réclame la sortie pure et simple de l’UE. L’euroscepticisme peut aussi s’appuyer sur les thèmes de l’identité nationale et du recul d’un modèle culturel. C’est par exemple le cas du FN (24,85%). Enfin, il y a une remise en cause qui porte surtout sur le volet socio-économique. En Grèce, le Syriza (26%) d’Alexis Tsipras critique l’Europe des banques qui ne protège pas suffisamment les citoyens des Etats membres.

JOL Press : Quel autre enseignement peut-on tirer de ce scrutin à l’échelle européenne ? 
 

Bruno Cautrès : Je crois qu’il y a une réelle demande exprimée par les citoyens : pouvoir donner davantage leur point du vue. Les électeurs souhaitent que les élites européennes leur expliquent mieux les avantages qu’ils ont à tirer de leur appartenance à l’UE. Ils veulent savoir où va l’Europe dans ce contexte d’économie globalisée. L’Union européenne doit-elle favoriser l’intégration économique ou être un espace de citoyenneté politique et sociale ?

Par ailleurs, si la participation a très légèrement augmenté à l’échelle européenne par rapport à 2009, elle reste minoritaire par rapport à l’abstention. 

JOL Press : Outre la France, quels sont les pays où les résultats de ce scrutin sont particulièrement marquants ? 
 

Bruno Cautrès : J’évoquais plus tôt la cas du Royaume-Uni. On pourrait tout aussi bien parler de la Grèce, où les néo-nazis d’Aube dorée ont obtenu deux sièges. On peut également évoquer le cas du Danemark et de l’Autriche, où les partis populistes ont réalisé des scores très importants (26,7% pour le Parti du peuple danois et 20,5% pour le FPÖ autrichien, ndlr).

Dans certains pays, les gouvernements n’ont pas été sanctionnés. En Allemagne, l’union CDU-CSU d’Angela Merkel (conservateurs) est arrivée largement en tête (35,3%). En Italie, le Parti démocrate de Matteo Renzi (centre-gauche) a remporté ce scrutin haut la main (40,8%).

Néanmoins, on observe aussi dans ces pays une percée de l’euroscepticisme. Le nouveau parti anti-euro Alternative pour l’Allemagne (AfD) a obtenu 6,5% des voix. Et en Italie, le Mouvement 5 étoiles de l’ex-humoriste Beppe Grillo a réalisé de très bons scores (21%).

Propos recueillis par Marie Slavicek pour JOL Press

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