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Station spatiale internationale: la Russie menace de tout arrêter

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La Station spatiale internationale est parfois source de tensions diplomatiques. Crédits : Shutterstock

JOLPress : Comment fonctionne la Station spatiale internationale (ISS) ? Combien de nationalités sont présentes et en quelles proportions ?
 

Arlène Ammar-Israël : Le programme ISS est actuellement le plus grand programme civil international qui rassemble 16 partenaires. Il y a les Etats-Unis, la Russie, l’Europe (pas dans sa globalité mais plusieurs pays européens), le Canada et le Japon. Il y a donc une grande partie des puissances spatiales mondiales hors la Chine et l’Inde.

Globalement, la participation de la Russie à l’ISS est d’un tiers et les deux tiers restant sont assumés par les autres pays, dont 80% fait par les Américains. C’est donc un projet à leadership américain et forte participation russe.

JOLPress : Quelles seraient les conséquences d’un retrait des Russes de l’ISS ?
 

Arlène Ammar-IsraëlLa construction de l’ISS a commencé à partir de 1998 avec le lancement du module russe Zarya qui est le centre de la station. Il y a une flotte importante de vaisseaux parce que l’ISS a besoin d’être ravitaillée en permanence en astronautes et en matériel. Elle est habitée sans interruption depuis 2000 par un équipage de 2 à 3 astronautes. Ils sont 6 de différentes nationalités à rester en moyenne 6 mois à bord. 

Au départ, il existait pour les astronautes deux moyens pour se rendre à la station : la navette des Américains et les vaisseaux Soyouz russes. Mais les Américains ont arrêté d’exploiter la navette spatiale en 2011 parce qu’elle avait plus de 30 ans et montrait de nombreux signes de défaillance. Ils n’avaient pas les moyens de continuer à entretenir la flotte des navettes et financer de nouveaux programmes d’exploration.

Donc il n’y a plus que les Soyouz pour emmener des astronautes à la station. Pour le matériel, en plus des russes et des américains il y a des moyens européens et japonais.

Ce serait dramatique pour les équipages si les Russes décidaient d’arrêter de fournir des Soyouz.

Mais la question est de savoir à quel moment ils arrêteraient de les fournir. Parce qu’ils les vendent à un prix de l’ordre de 60 millions de dollars pièce, ils ne les donnent pas. C’est actuellement une source de revenus très importante pour leur industrie spatiale qui n’est plus aussi florissante qu’à la grande époque soviétique. Donc avant de couper ces recettes, je pense qu’il y aura encore de nombreux épisodes.

Et il ne faut pas oublier que les partenaires de la station sont liés jusqu’à 2020 par un équivalent de traité dont il est très compliqué de sortir.

Néanmoins, le vice-Premier ministre Dmitri Rogozine ne dit pas qu’il va rompre ses engagements mais qu’à partir de 2020, moment où il y aura des discussions pour savoir si les partenaires vont s’engager plus loin, la Russie mettra fin à son implication dans l’ISS.

De son côté, la NASA a exprimé son souhait de continuer jusqu’en 2024, mais les autres partenaires ne se sont pas encore engagés.

Par ailleurs, la NASA développe actuellement des moyens pour pouvoir se rendre à la station sans les Russes pour ne plus être dépendants. qui a mis au point des vaisseaux pour amener du fret à l’ISS et pourra dans le futur transporter des astronautes. D’ici 2020, c’est tout à fait possible que les Américains n’aient plus besoin des Russes. Donc tout ceci ressemble beaucoup à une partie de bras de fer.

JOLPress : Comment se fait-il que les Américains soient devenus aussi dépendants des Russes ?
 

Arlène Ammar-IsraëlL’ISS est un projet politique qui avait pour but d’organiser des missions internationales dans l’espace en coopérant, et non en s’affrontant comme pendant la Guerre Froide.

Le problème de l’espace est que les conséquences des décisions apparaissent souvent 20 ou 30 ans plus tard. Lorsque la NASA a décidé d’arrêter d’exploiter la navette, ils ont commencé à développer un nouveau modèle, ce qui prend 10 ou 20 ans.

Le pari que les Américains ont fait est que le privé pourrait permettre le transport dans l’espace. Mais cela prend beaucoup de temps.

JOLPress : Les tensions entre la Russie et les Etats-Unis vont-elles s’accentuer ?
 

Arlène Ammar-IsraëlL’espace est d’un point de vue stratégique extrêmement important.

Il doit y avoir une soixantaine d’agences spatiales dans le monde, ce qui est énorme par rapport à quelques années où il n’y avait que les principales puissances. Dans les tensions entre les Etats-Unis et la Russie, il y a l’ISS mais aussi un deuxième point très important.

Les Russes menacent de ne plus exporter un certain nombre de matériel utilisé par les Américains pour lancer leurs satellites militaires. Le premier étage du lanceur Atlas 5 utilisé par l’US Air Force est propulsé par un moteur russe RD-180, et ils pourraient mettre l’embargo sur ce moteur. Cela poserait beaucoup plus de problèmes aux Américains que la question de l’ISS.

 

 

 

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