Site icon La Revue Internationale

Traité transatlantique: et les Américains, qu’en pensent-ils?

[image:1,l]

La question de l’emploi et l’absence de transparence dans les négociations du traité transatlantique en agacent plus d’un aux Etats-Unis. Crédit : Shutterstock 

JOL Press : Quelles sont les conditions pour que le traité soit adopté aux Etats-Unis et qui soutient sa signature ?
 

Anne Deysine : Quand il s’agit de négociations commerciales aux Etats-Unis, c’est le Congrès qui doit se prononcer. Le président Obama doit obtenir le Trade Promotion Authority ou TPA (autorisation de négocier un accord commercial international délivrée par le président du Congrès au président des Etats-Unis après un vote, ndlr), mais pour l’instant le Congrès n’y est pas favorable en partie pour des raisons paradoxales.

Barack Obama a besoin de deux TPA : la première pour le TPP (Trans-Pacific Partnership, accord commercial de libre-échange transpacifique entre 4 pays auquel les Etats-Unis et 9 autres pays veulent adhérer, ndlr) et la deuxième pour le TAFTA, ce qui rend les choses plus compliquées. Ensuite, le TPP fait peur aux Américains pour des raisons de chômage et d’ envahissement de produits venant d’Asie. Le fait que les négociations pour les traités se fassent en même temps n’aide pas pour l’obtention des TPA.

Un des arguments utilisés pour défendre TAFTA est qu’il va augmenter le commerce et multiplier les emplois. Or, les études montrent que c’est loin d’être certain parce que les échanges sont déjà libéralisés, il y a à peu près 3% de droits de douane entre l’Europe et les Etats-Unis. Les syndicats sont donc très inquiets et ils font partie des soutiens forts du Parti démocrate. C’est-à-dire qu’au Congrès, Obama ne peut pas vraiment compter sur les démocrates alors que les républicains sont traditionnellement pour le libre-échange.

JOL Press : Donc les Américains opposés au TAFTA on finalement un peu les mêmes peurs que les Européens ?

Anne Deysine : Pas tout à fait. En Europe, la première crainte est un nivellement par le bas de nos normes alimentaires, sanitaires, etc… Et le centre d’arbitrage qui permettrait à une entreprise de traîner un Etat devant un tribunal en cas de perte de marché ou d’investissement. Alors qu’aux Etats-Unis, pour le moment, il n’y a pas une grande mobilisation, mais il faut bien voir que le processus est aussi peu transparent là-bas. Les risques principaux qui sont perçus sont la perte d’emploi par assimilation avec le TPP.

Mis à part une toute petite élite qui habite la côte Est ou San Francisco et qui lit le Wall Street Journal, le « peuple » américain ne sait pas du tout ce qu’il se passe. Ils sont donc tributaires des télévisions. Et des chaines comme Fox News qui aiment tant susciter la polémique ne parle pas du TAFTA.

JOL Press : N’est-ce pas également une question de défiance vis-à-vis de l’Europe, notamment des républicains qui ne voient pas d’un très bon œil le Vieux Continent ?

Anne Deysine : La relation vis-à-vis de l’Europe est compliquée. Il faut se rappeler que les Américains ont sauvé l’Europe militairement puis économiquement après la Deuxième Guerre mondiale avec le Plan Marshall, en créant l’OCDE et d’autres organismes multilatéraux. Elle est donc le produit du désir et de l’argent américain. Mais selon les époques, ils se sont inquiétés notamment quand l’Europe a commencé à un peu trop bien fonctionner. La crainte américaine dans les années 1990 était que le marché européen et la « fortresss Europe »  se construisent contre eux.

Pour les Américains, c’est toujours « America first ! ». Ils vont donc adapter leur discours à un problème et à un moment donné. Pour les membres du Congrès républicains qui s’opposent à TAFTA, alors qu’ils sont traditionnellement pour le libre-échange, il faut voir dans quelle position ils sont localement dans leur Etat ou leur circonscription. Il y a de fortes chances pour qu’ils aient besoin des salariés et des ouvriers pour être réélus dans leurs Etats et donc qu’ils doivent s’opposer au traité. Aux Etats-Unis, la politique est toujours locale.

Quitter la version mobile