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Turquie: la photo choc d’un manifestant roué de coups

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L’image fait le tour du web depuis mercredi. On y voit un homme en costard-cravate rouer de coups un manifestant, déjà maîtrisé par deux hommes des forces de sécurité en treillis.

Un proche du Premier ministre

La scène se passe à Soma, dans l’ouest de la Turquie, ville meurtrie la veille par l’un des plus graves accidents miniers qu’ait connu le pays. Jeudi, un nouveau bilan officiel faisait état de 282 morts suite à l’explosion et à l’incendie survenus dans la mine de charbon.

Le « col-blanc » n’est autre que Yusuf Yerkel, chef adjoint du cabinet du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, l’un de ses proches conseillers. Mercredi, le chef du gouvernement, fortement contesté dans le pays depuis un an, s’était rendu avec quelques membres de son équipe à Soma.

Hué par les habitants, le Premier ministre a subi quelques incartades de la part de manifestants en colère. Certains n’ont pas hésité à donner des coups dans sa voiture et à lancer des pierres en le traitant de meurtrier et de voleur.

« Devais-je rester silencieux ? »

La photo des coups de pied lancés par M. Yerkel au manifestant roulé à terre, largement diffusée sur les réseaux sociaux, a choqué l’opinion publique. L’acharnement du conseiller du Premier ministre, qui frappe l’homme à plusieurs reprises, fait scandale en Turquie, alors que les exactions policières sont monnaie-courante pendant les manifestations.

Selon le journal turc Hurriyet Daily News, proche de l’opposition, l’homme politique a confirmé qu’il s’agissait bien de lui sur la photo. Yusuf Yerkel a défendu son attitude, déclarant que le manifestant était un militant de gauche qui l’avait « agressé et insulté, ainsi que le Premier ministre ». « Devais-je rester silencieux ? », a-t-il ajouté.

Le scandale intervient alors que la Turquie connaît depuis un an une montée de la grogne sociale. Le gouvernement d’Erdogan, accusé de corruption et de dérive autoritaire, est tenu responsable, par une partie de la population, de la situation délétère du pays.

« La société turque attend une autre forme de démocratie »

« Le Premier ministre a une conception majoritaire de la démocratie, c’est-à-dire qu’il se sent tout permis parce qu’il a gagné les élections [municipales du 30 mars, ndlr] », explique à JOL Press Bayram Balci, chercheur au CNRS et spécialiste de la Turquie.

« Or la société turque demande une autre forme de démocratie, qui tienne compte des minorités, ethniques, religieuses, sexuelles, politiques, philosophiques. C’est le grand malentendu », ajoute le chercheur.

Un an après le début du grand mouvement protestataire qui avait débuté dans le parc Gezi dans le quartier de Taksim à Istanbul, la Turquie doit désormais conjuguer avec une nouvelle génération qui aspire à plus de démocratie.

Ainsi, selon Bayram Balci, « Erdogan est persuadé d’être un grand démocrate parce que les urnes lui donnent constamment des victoires éclatantes, mais la société turque est devenue trop complexe et ne peut plus être satisfaite par une démocratie majoritaire et électorale ».

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