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Conflit Israël/Hamas: cessez-le-feu ou pas, Tsahal détruira les tunnels

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Édouard Cukierman est le fondateur et PDG de « Catalyst Funds », et Président de « Cukierman & Co Investment House ». Il fait partie, en tant qu’officier de réserve de l’armée Israélienne, de l’équipe de négociation en situation de crise et prise d’otages, et est également porte-parole en réserve de l’armée israélienne. 
 
Franck Guillory : Près de trois semaines de conflit à Gaza. Quel est l’état d’esprit des Israéliens, des habitants de Tel Aviv où vous vous trouvez ?
 
Édouard Cukierman : D’abord, il y a chez les Israéliens la conviction que cette intervention est indispensable et cela se traduit par un large soutien à l’opération militaire. 
 
Cela reste une période difficile et nous sommes affectés, à la fois, par les missiles et par la mort des soldats de Tsahal – déjà plus de 50 morts sur le front.
 
Il n’était – et n’est toujours pas possible de rester sans réagir face à des tirs de missiles sur Israël – plus de 2000 missiles ont été tirés sur le territoire israélien depuis le début de l’opération. Il y a eu beaucoup de tentatives de la part du gouvernement d’accepter des propositions de cessez-le-feu, notamment après la proposition avancée par le gouvernement égyptien.
 
Et cela explique l’unité du peuple israélien, et des habitants de Tel Aviv en particulier, derrière le gouvernement de Benjamin Netanyahou.
 

Unité et gravité en Israël
 

Franck Guillory : Il y a une semaine, j’étais à Tel Aviv et la ville paraissait comme vide, comme éteinte. Désormais, quelle est l’atmosphère depuis le début de l’opération terrestre ?
 
Édouard Cukierman : Il n’y a pas le climat de fête qui prévaut habituellement à Tel Aviv. Même s’il n’y a pas eu de victimes civiles à Tel Aviv, chacun a à l’esprit les alertes et les morts. Ainsi, un camarade de mon fils, du même âge que lui, qui avait fréquenté la même école est décédé en opération…
 
A Tel Aviv, nous ne ressentons pas un sentiment de risque ou de la peur, mais on n’a pas la tête à la fête. Et puis, imaginez ce que serait la situation sans le dôme de fer qui a permis de contrer les tirs de missiles sur les grandes villes d’Israël.
 
Franck Guillory : Vous évoquiez un sentiment d’unité. En quoi, selon vous, l’opération en cours – « Bordure protectrice » – se distingue-t-elle des opérations précédentes – « Plomb durci » en 2008-2009 et « Pilier de défense » en 2012 ?
 
Édouard Cukierman : Lors des précédentes opérations, Israël a cessé le feu sans avoir détruit les infrastructures du Hamas. Cette fois-ci, le gouvernement israélien semble déterminer à détruire les tunnels d’attaque – plus de 30 ont été découverts – et, tant qu’il en restera, il est certain que l’opération se poursuivra.
 
L’autre volonté, c’est de porter un coup dur aux équipements militaires du Hamas de sorte qu’ils ne soient plus en mesure d’agresser Israël avec des tirs de missiles.
 
Israël ne fait pas par choix. Elle a concilié à deux reprises mais cela n’a pas dissuadé le Hamas de tirer à nouveau les premiers et a forcé Israël à riposter…
 

Les buts de guerre d’Israël : détruire les tunnels, réduire les infrastructures militaires du Hamas
 

Franck Guillory : Est-ce que les buts de guerre d’Israël vont aussi jusqu’à l’ « éradication » du Hamas de sorte qu’il ne soit plus au pouvoir dans la bande de Gaza ?
 
Édouard Cukierman : Non, ce n’est pas l’objectif. Israël n’a pas cet objectif.
 
Cela a été très bien défini par le gouvernement, les buts sont de détruire les tunnels d’attaque et de porter un coup dur aux infrastructures militaires de Gaza. Aucun autre objectif n’a été annoncé.
 
Franck Guillory : A travers le monde, la couverture par les médias – et donc la perception des opinions publiques du conflit en cours – met en avant les victimes civiles du côté palestinien. Comment réagissent les Israéliens à cela ?
 
Édouard Cukierman : D’abord, il convient de dire que je ne connais pas d’Israéliens qui se réjouissent des morts parmi les civils palestiniens.
 
Mais, il est clair pour nous que les premiers responsables de ces morts sont les terroristes du Hamas. Le Hamas empêche les populations civiles de se déplacer, alors que Tsahal informe les habitants des zones ciblées. Le Hamas tire ses missiles à partir d’écoles, notamment, qui deviennent de ce fait des cibles militaires pour Tsahal. De même, ils donnent l’ordre aux civils, alors que les terroristes du Hamas tirent des mosquées, de ne pas quitter ces lieux.
 

Les chefs du Hamas sont responsables de la mort de civils palestiniens

Pour nous, il est donc bien clair que les responsables des morts parmi les civils palestiniens sont les chefs du Hamas. Ils utilisent leur population comme bouclier humain. Pour eux, les vies humaines, même au sein de leur propre peuple, n’ont que peu de valeur. Nous le savons depuis de nombreuses années, mais, là, c’est particulièrement flagrant, et tragique.
 
Franck Guillory : Israël est sous le coup d’accusations pour crimes de guerre devant l’ONU, comme devant la Cour pénale international. Quelle est la réaction en Israël ?
 
Édouard Cukierman : Pour nous, cela relève de la farce car, comme je viens de vous l’expliquer, c’est le Hamas qui est à l’origine de ce conflit et qui fait en sorte que le coup humain et matériel soit considérable. Et cela dans le plus pur mépris des préceptes du Coran… Le Hamas est une organisation islamiste, terroriste, et Israël met tout en œuvre, malgré tout, pour limiter les pertes civiles.
 
Connaissez-vous une armée au monde qui prenne autant de risques pour limiter les pertes civiles. Tsahal aurait pu se contenter d’éliminer la menace en ayant uniquement recours à l’armée de l’air avec des bombardements intensifs. Si nous avons pris le risque d’une opération terrestre, c’est justement pour tenter de réduire le coût humain côté palestinien. Le prix de ce risque d’intervention au sol, ce sont des pertes dans les rangs militaires israéliens.
 
Franck Guillory : Politiquement, en Israël, à qui profite ce conflit, selon vous ?
 
Édouard Cukierman : Franchement, les Israéliens restent extrêmement unis. On voit la gauche comme la droite, soutenir les décisions du gouvernement.
 
Traditionnellement, il se dit qu’en Israël il faut mieux un leader de gauche pour faire la guerre >et un leader de droite pour faire la paix. Benjamin Netanyahou a, me semble-t-il, très bien géré les opérations. Il a démarré en acceptant les propositions de cessez-le-feu, mises sur la table
par l’Egypte. A partir du moment où la gauche a constaté que le Premier ministre faisait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter le conflit, et qu’il n’avait pas le choix parce que le Hamas poursuivait ses tirs de missiles vers Israël, elle s’est ralliée dans sa très grande majorité. Tous les partis sionistes soutiennent « Bordure protectrice ».
 

Exsangue, le Hamas a joué son va-tout
 

Franck Guillory : Justement, revenons un peu en arrière… Pourquoi, selon vous, le Hamas a-t-il décidé d’engager les hostilités ?
 
Édouard Cukierman : Lorsque le Hamas a passé un accord avec le Fatah pour constituer un gouvernement d’Union nationale, le Hamas se trouvait dans une situation quelque peu désespérée car il ne pouvait plus compter sur le soutien de l’Egypte, une fois les Frères musulmans chassés du pouvoir par al-Sissi. Le Hamas se trouvait dans une situation désespérée, n’ayant plus depuis 4 mois la capacité de régler les salaires de ses 40000 fonctionnaires – dont 20000 combattants de la branche armée. Ce n’était plus tenable.
 
Le Hamas avait pensé qu’en acceptant un gouvernement d’union nationale, les Qataris viendraient à leur rescousse et financer les salaires de leurs fonctionnaires. Quand certains responsables du Hamas – notamment les chefs de la brigade al-Qassar – se sont aperçus qu’ils ne pouvaient pas compter, à hauteur de leurs besoins, sur l’aide du Qatar, ils ont estimé qu’ils n’avaient plus rien à perdre et ont commencé leurs tirs sur Israël.
 
Si la situation financière du Hamas est telle, c’est parce que ses fonctionnaires sont très bien payés. Cela s’inscrit dans une volonté du Hamas d’affecter l’essentiel des fonds reçus principalement du Qatar et de l’Iran – en plus des livraisons de marchandises, notamment alimentaires, depuis Israël – au développement de son infrastructure militaire, plutôt qu’au mieux-être de ses populations.
 
C’est, à mon avis, l’élément clé de ce conflit et tout argument selon lequel il s’agirait de défendre et faire progresser la cause du peuple palestinien n’est que propagande infondée.
 

Un impact encore limité sur l’économie israélienne

Franck Guillory : Quel est l’impact des événements en cours sur l’activité économique en Israël ?
 
Édouard Cukierman : Cela a un impact. D’abord, parce que nous sommes en été et que c’est une période de tourisme. Des séjours ont été annulés, des compagnies aériennes – notamment américaines – ont suspendu ou réduit leurs dessertes de l’aéroport de Tel Aviv.
 
Cela a un peu moins d’impact sur le business, sur les sociétés de haute technologie parce qu’elles ont des marchés internationaux, et non israéliens. En plus, malgré le rappel de nombreux réservistes, l’essentiel des soldats qui opèrent sont des professionnels ou des conscrits et donc il y a relativement peu de perturbation de l’appareil productif.
 
La population israélienne est au travail.
 

Le Hamas doit réaliser que la seule offre acceptable est celel de l’Égypte

Franck Guillory : En conclusion, un peu de fiction… comment est-ce que, selon vous, tout cela peut se terminer ? A quelle échéance ?
 
Édouard Cukierman : Je pense que cela va beaucoup dépendre du Hamas.
 
Côté israélien, le gouvernement a pris la décision – cessez-le-feu ou pas – de poursuivre la destruction des tunnels d’attaque. A peu près la moitié a déjà été détruite sur les 30 recensés.
 
Franck Guillory : Et l’hypothèse d’une solution diplomatique imposée de l’extérieur, vous y croyez ?
 
Édouard Cukierman : Il faut savoir que, pour Israël, la seule offre acceptable est celle de l’Egypte. Ce sont les Egyptiens qui, avec Israël, contrôle l’approvisionnement de Gaza. Dès lors, un accord sans l’Egypte est impensable.
 
Le Qatar, l’Iran et la Turquie essaient de jouer un rôle dans cette région… A part financer l’infrastructure terroriste, comme ils l’ont fait pendant si longtemps, ils n’ont rien fait. Et, surtout, ils n’ont pas réussi à calmer le jeu dans cette région.
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