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L’Égypte et le Hamas, une relation tendue

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(Photo: Shutterstock.com)
JOL Press : Historiquement, quelles relations entretiennent le Hamas et l’Egypte ?
 
Haoues Seniguer : Plutôt que de parler, stricto sensu, de relations entre le Hamas et l’Egypte, il serait peut-être plus juste de parler de relations entre le Hamas et une partie du spectre politique égyptien, en l’occurrence les Frères musulmans. Le Hamas est l’acronyme de «Mouvement de la Résistance Islamique». Ce mouvement a été créé en 1987 en tant que, selon certains spécialistes, «branche paramilitaire palestinienne des Frères musulmans», dont les racines, bien sûr, plongent dans l’organisation mère des Frères musulmans égyptiens fondée en 1928 par Hassan al-Banna (1906-1949). 

Luttant contre la présence coloniale britannique, et marqués par une lecture messianique de l’Histoire, les Frères musulmans égyptiens se sont rapidement sentis concernés par le sort des Palestiniens, et ce, dès le milieu des années 1940, soit avant la création de l’Etat d’Israël en 1948. Par solidarité confraternelle et esprit anti-colonial, des contingents de Frères musulmans égyptiens sont même partis combattre lors de la première guerre israélo-arabe de 1948. C’est d’ailleurs à cette période charnière que la bande de Gaza est passée sous contrôle de l’Egypte. 

JOL Press : Comment ont évolué ces relations ? 
 

Haoues Seniguer : Par la suite, l’extension de branches locales des Frères musulmans vont croître, particulièrement à Gaza, contribuant ainsi à jeter les bases d’une organisation politique importante, recueillant de plus en plus de soutiens de la part des réfugiés expulsés de leurs terres d’origine par les autorités israéliennes. Un peu plus tard, Gaza sera au cœur d’un conflit de monopole entre le président Gamal Abdel Nasser, arrivé au pouvoir en Egypte en 1952 à l’occasion du coup d’Etat des Officiers libres qu’il a animé, et les Frères musulmans, auxquels il sera de plus en plus hostile.

Le président égyptien recourrera à la répression face à des groupes autonomes de la résistance palestinienne. En fait, Nasser se voulait le chantre exclusif de la lutte palestinienne, au nom de son idéologie panarabe ou panarabiste, qui déclinera rapidement après la défaite arabe face à Israël à l’occasion de la guerre des Six Jours de juin 1967. Au-delà de la proximité géographique, puisque Palestine et Egypte partagent une frontière commune, ce sont donc des combats communs qui ont uni, de façon ponctuelle et irrégulière, des courants politiques des deux pays.

JOL Press : Où en est-on aujourd’hui ? 
 

Haoues Seniguer : La signature des accords de Camp David en 1978 par le président Anouar al-Sadate, reconnaissant du même coup Israël, a été un coup de semonce dans le monde arabe. Celle-ci a été vécue comme une trahison profonde de la cause palestinienne et de la reconnaissance de leurs droits inaliénables à l’autodétermination. C’est pourquoi l’Egypte a été exclue de la Ligue arabe pendant dix ans (1979-1989). 1978 constitue par conséquent une première grande rupture du leadership égyptien, à l’échelle du monde arabe, dans la mobilisation autour de la cause palestinienne.

L’arrivée au pouvoir de Hosni Moubarak en 1981, suite à l’assassinat de Sadate par un commando du jihad islamique, à cause, entre autres, du Traité de paix signé avec Israël, ne changera pas substantiellement la normalisation des relations diplomatiques égypto-israéliennes et la coopération entre les deux Etats. C’est le régime de Moubarak qui avait ordonné la fermeture du point de passage de Rafah, rendant très compliquée, voire impossible, la circulation des biens et des personnes entre Gaza et l’Egypte. Le président égyptien déchu n’a accepté de rouvrir le passage qu’à des rares occasions, comme par exemple à la fin de l’année 2010, en vue de permettre l’acheminement d’aide humanitaire et médicale.

JOL Press : En quoi la chute du Moubarak a-t-elle changé la donne ? Quelle est la position d’al-Sissi vis-à-vis du Hamas ? 
 

Haoues Seniguer : La chute de Moubarak au début de l’année 2011 n’a pas changé grand-chose au statu quo, si ce n’est qu’à l’arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi issu des Frères musulmans, et ce, avant sa destitution du 3 juillet 2013, le point de passage de Rafah a effectivement été rouvert, car, comme déjà dit, les Frères musulmans égyptiens sont les alliés de toujours du Hamas et partagent fondamentalement une histoire commune.

Si l’on en juge par la profonde aversion que al-Sissi voue aux Frères musulmans égyptiens, il n’y a plus réellement de doute à avoir sur le fait qu’il nourrit une hostilité consubstantielle vis-à-vis de leurs alliés du Hamas, d’autant plus que le mouvement palestinien a été interdit sur le sol égyptien depuis son arrivée au pouvoir. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que al-Sissi rechigne à jouer les intermédiaires entre les parties palestinienne et israélienne.

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