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Négociations avec les FARC: «La feuille de route est suivie pas à pas»

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Des soldats colombiens à Riohacha – Photo DR Shutterstock

JOL Press : Quatorze guérilleros ont été tués par l’armée lundi 14 juillet. Cette attaque contre les FARC menace-t-elle les négociations de paix à La Havane ?
 

Jean-Jacques Kourliandsky : Les négociations de paix à La Havane ne sont pas menacées puisqu’il était entendu entre les négociateurs des FARC et ceux du gouvernement que les pourparlers se dérouleraient parallèlement à la poursuite de la situation telle qu’elle est, c’est-à-dire aux affrontements. Cette position de principe a été adoptée en 2012 en tirant la leçon de l’échec des négociations de 1998 où il y avait eu une suspension des combats qui n’avait en réalité pas permis d’approfondir le processus de paix. Ce qui a été priorisé ici, c’est la mise au point entre les deux délégations d’un agenda en six points, et d’un lieu de négociation, Cuba, avec les bons offices pour faciliter les contacts d’un certain nombre de pays dont Cuba, la Norvège, le Chili et le Venezuela. 

JOL Press: Peut-on voir dans cette attaque un moyen du gouvernement de prouver à la droite sa fermeté vis-à-vis des guérilleros ?
 

Jean-Jacques Kourliandsky : Nous sommes ici dans une situation de continuité : il y a déjà eu des opérations depuis le début de ce dialogue. Des opérations des forces armées se sont soldées par des pertes importantes du côté des FARC.

Le président colombien, Juan Manuel Santos, s’est rendu cette semaine au Brésil pour participer à un sommet des BRICS afin de présenter le processus de paix et demander aux pays présents – dont la Russie – du soutien dans le cadre de ce processus de dialogue actuellement engagé.

JOL Press: Après une pause d’un mois, les pourparlers ont repris. Les deux parties se penchent sur le quatrième des six points: les réparations aux victimes. Quels sont les points de blocage ?
 

Jean-Jacques Kourliandsky : Toutes les tables rondes, quel que soit le sujet, ont été extrêmement difficiles à négocier. Les deux parties se sont pour l’instant mises d’accord sur trois points depuis 2012… ce qui prouve bien que le dialogue n’est pas évident. Mais il y a une volonté d’aboutir des deux côtés.

Après plusieurs semaines de pause, les FARC et le gouvernement colombien se penchent désormais sur le quatrième point des négociations de paix. Lorsqu’il y a des transitions démocratiques, des transitions de guerre vers la paix, se pose le problème des crimes commis pour les victimes. Cela entre toujours en contradiction entre le désir de paix, qui suppose que la page soit tournée, et les formes d’amnistie.

Que va-t-il se passer en Colombie ? Personne ne le sait encore très bien… Ce que l’on sait en revanche, c’est que l’ensemble des accords – celui qui est en cours de négociations, comme ceux qui ont déjà été négociés – doivent être ratifiés par un référendum par l’ensemble des Colombiens. Il y aura des résistances de la part de ceux qui bénéficient matériellement de la guerre, comme les militaires, ou de la part des partisans de l’ancien président Alvaro Uribe.

JOL Press : L’histoire de la Colombie est marquée par plusieurs tentatives d’accords, de cessez-le-feu, de négociations avec les FARC qui n’ont pas toujours abouti. Y-a-t-il aujourd’hui des indices qui montrent que l’on tend vers la paix, après un demi-siècle de conflit armé ?
 

Jean-Jacques Kourliandsky : Oui, en effet, il existe deux indices majeurs. La société colombienne est blasée: elle n’attend pas de résultat magique du dialogue des deux parties qui se font face, contrairement aux négociations de 1998. Ce qui signifie qu’il n’y a pas de pression de la part de l’extérieur sur les négociateurs, qui peuvent ainsi travailler tranquillement. A la différence des opérations de paix antérieures qui se passaient sous l’oeil de l’opinion publique – où l’aspect communication était privilégié sur le fond – il y a aujourd’hui une véritable feuille de route qui est suivie pas à pas.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Jean-Jacques Kourliandsky est spécialiste de l’Amérique latine et chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

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