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Quand les États-Unis abattaient un avion de ligne par erreur…

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Il y a 26 ans, un avion de ligne iranien se faisait abattre par un vaisseau américain. Visiblement, beaucoup ont oublié cette tragédie qui ressemble pourtant à celle du vol MH17. (Crédit : Shutterstock)

3 juillet 1988.

Le vol 655 de la compagnie Iran Air Flight qui relie Téhéran à Dubai vole depuis seulement quelques minutes au-dessus du Golfe Persique, lorsqu’il est abattu par un missile du vaisseau américain USS Vincennes. Les 290 personnes à bord, dont 66 enfants, meurent et les restes de l’avion finissent au fond de l’océan Indien.

Des circonstances similaires au MH17
 

Alors que les premiers corps du vol MH17 de la Malaysia Airlines sont arrivés au Pays-Bas mercredi 23 juillet, il est difficile de ne pas faire un parallèle avec le tragique accident de 1988. D’abord, les deux avions de ligne ont été abattus par des missiles sol-air. Ensuite, et même si dans le cas du MH17 il reste encore de nombreuses zones d’ombre, tout le monde se renvoie la faute et personne ne reconnaît son erreur. Pour le vol 655, les Etats-Unis n’ont jamais voulu s’excuser. En 1996, ils se mettent finalement d’accord avec l’Iran pour verser la somme de 61,8 millions de dollars aux victimes du crash en refusant catégoriquement d’être reconnus légalement coupables.

Car la culpabilité de l’USS Vincennes ne fait aucun doute. L’argument principal du gouvernement américain, que l’on entend souvent ces derniers jours du côté des prorusses, est que l’équipage a mal identifié l’avion civil – un Airbus A300 – et croyait avoir affaire à un avion d’assaut. L’avion de Iran Air Flight aurait émis un IFF (Identification, friend or foe, un signal d’identification) en Mode III utilisé par les avions civils iraniens à la différence du Mode II utilisé par les appareils militaires, ce qui a été confirmé par l’armée iranienne. Les messages radio d’avertissement que le Vincennes envoyait été destinés à un avion militaire, et n’ont donc jamais été reçus par les pilotes du vol 655.

Zone de guerre
 

Tout comme l’est de l’Ukraine actuellement, le Golfe Persique était une zone de conflit importante de la guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988). Les deux pays attaquaient leurs bateaux respectifs ou ceux de leurs alliés qui apportaient des ressources, énergétiques ou militaires. Juste avant d’abattre le vol 655, le vaisseau américain poursuivait des bateaux iraniens qui avaient ouvert le feu sur lui. Lorsque l’avion a été repéré par l’équipage, il descendait à grande vitesse en direction du Vincennes. Une explication qui aurait pu justifier l’utilisation des missiles, sauf qu’elle est totalement fausse : à partir des données récupérées sur le vaisseau, le Commandement Central de la Marine américaine a établi formellement qu’il était à une altitude de croisière et se déplaçait à une vitesse relativement faible.

Finalement, les Américains ont adopté une stratégie de communication qui visait à réfuter les accusations tout en se glorifiant d’avoir opéré de la bonne façon. Deux ans après le drame, le Capitaine Rogers qui était à la tête du Vincennes, a reçu la Legion of Merit, une décoration militaire pour « conduite exceptionnelle ». Un comble pour quelqu’un qui avait pourtant admis à ses supérieurs juste après avoir abattu l’avion : « Cet ordre de tir est un fardeau que j’aurai à porter pour le reste de ma vie. » C’est donc bien l’administration américaine de l’époque, dans un contexte de fin de guerre froide tendue avec l’Union soviétique, qui a sciemment décidé de nier son erreur.

Ce que les Américains reprochent à la Russie de Vladimir Poutine aujourd’hui.

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