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Qui soutient les Frères musulmans?

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Ali Khamenei, Guide suprême iranien, est historiquement proche des Frères musulmans. (Photo: Wikimedia Commons)

JOL Press : Par qui le Hamas, branche palestinienne des Frères musulmans en Egypte, est-il soutenu ?
 

Michaël Prazan : Sur le terrain, le partenaire économique, en termes d’armement du Hamas, c’était l’Iran, ce qui explique aussi d’ailleurs une collaboration très étroite avec une autre organisation à Gaza qui est le Jihad islamique, qui lui se revendique tout autant des Frères musulmans que de la Révolution islamique en Iran. C’est pourquoi pendant longtemps cela a été le seul groupe armé à être autorisé et à avoir une représentation visible à Gaza, et donc autorisé par le Hamas.

Aujourd’hui, parce que Bachar al-Assad est armé et aidé par l’Iran dans un conflit qui l’oppose en grande partie aux Frères musulmans, cela crée évidemment des complications sur le terrain entre le partenariat, déjà ancien, noué entre le Hamas soutenu par les Frères musulmans d’une part, et l’Iran d’autre part. Mais finalement, après ces crises successives et l’isolement dans lequel s’est retrouvé le Hamas après la chute de Mohamed Morsi et des Frères musulmans en Égypte, le partenariat a été tout de même renoué en sous-main : l’Iran et le Hamas y avaient en effet un intérêt stratégique.

JOL Press : À part l’Iran, qui d’autre soutient politiquement et financièrement les Frères musulmans aujourd’hui ?
 

Michaël Prazan : Le Qatar, l’Iran et la Turquie, dont le pouvoir actuel est d’une sensibilité très proche de celle des Frères, sont les seuls soutiens des Frères musulmans qui restent aujourdhui.

JOL Press : L’Iran chiite soutient les Frères musulmans sunnites : n’y a-t-il pas une contradiction idéologique entre les deux ?
 

Michaël Prazan : Non, il n’y a pas de contradiction idéologique entre les deux, parce que la Révolution islamique en Iran est directement issue de la pensée des Frères musulmans. Il y a eu un partenariat passé en 1953-1954 avec une petite organisation révolutionnaire et terroriste qui s’appelait les Fédaïn de l’Islam en Iran, du temps du Chah, qui ont fait un duplicata dans les actions et l’idéologie de la confrérie.

En 1953, ils sont invités pas les Frères musulmans au cours du second forum islamique international qui, à l’époque, se tenait à Jérusalem. Le fondateur des Fédaïn de l’Islam, l’Iranien Nawab Safawi, est invité à prendre la parole au cours de cette réunion et il va théoriser une chose qui aura un impact énorme sur les Frères musulmans, puisqu’il va dire – et il sera le premier – que le sionisme n’est pas une question territoriale mais une question islamique, c’est-à-dire qu’elle concerne l’ensemble du monde islamique et pas seulement les voisins du foyer juif de Palestine, qui représente pour lui un rempart à la recréation du califat  ambition politique première, à moyen terme, des Frères musulmans.

Ce discours-là va impressionner les Frères musulmans qui vont faire venir Safawi un an plus tard au Caire, où il y aura fusion des deux associations. À partir de là, les Fedaïn de l’Islam en Iran s’appelleront Akhwan al-muslimin, qui signifie « Frères musulmans »… Il y a donc véritablement un relai, un adoubement fait par la maison mère cairote de la confrérie à l’attention des Fedaïn iraniens.

En 1955, Safawi est arrêté, condamné à mort et exécuté par le régime du Chah d’Iran, mais ses disciples vont rejoindre l’ayatollah Khomeiny qui est déjà en exil et vont lui donner « en offrande » l’idéologie des Frères musulmans (au point que celui qui sera le premier traducteur de Said Qotb, grand idéologue des Frères musulmans, sera l’ayatollah Khamenei, actuel Guide suprême en Iran). Les discours de Qotb seront largement repris par la Révolution islamique. Il y a vraiment une allégeance, une filiation et quasiment une synthèse absolue entre l’idéologie des Frères musulmans et la Révolution islamique d’Iran.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Michaël Prazan est un écrivain et réalisateur français, auteur de Frères Musulmans : Enquête sur la dernière idéologie totalitaire (Grasset, 2014).

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