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Royaume-Uni: «Une sortie de l’Europe serait catastrophique»

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David Cameron a promis d’organiser un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE s’il est réélu en 2015 (Photo: Shutterstock.com)

JOL Press : Le Royaume-Uni a-t-il déjà un pied en dehors de l’Europe ?
 

Philippe Moreau Defarges : Non. Le Royaume-Uni n’a jamais raffolé de l’Union européenne. Toutefois, il reste légalement membre de l’Europe, même s’il bénéficie d’un statut particulier (rabais sur sa contribution au budget européen, non-appartenance à l’espace Schengen, refus de la Charte des droits fondamentaux et du Pacte de stabilité etc.). 

JOL Press : Une sortie du Royaume-Uni de l’UE, suite au référendum que David Cameron s’est engagé à organiser en 2017, s’il est réélu en 2015, est-elle envisageable ? 
 

Philippe Moreau Defarges : Pour l’instant, les partisans d’une sortie de l’UE et les partisans d’un maintien seraient à égalité au Royaume-Uni (39% chacun), selon un sondage YouGov publié le 20 juin. Il n’est pas du tout impossible qu’une majorité de Britanniques se prononcent, le cas échéant, en faveur d’une sortie de l’Union européenne.

Cette probabilité a augmenté depuis que le Premier ministre britannique, David Cameron, a échoué à empêcher la nomination de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission.

JOL Press : Selon le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, le Royaume-Uni est «absolument indispensable à l’Europe». Qu’en pensez-vous ? 
 

Philippe Moreau Defarges : Wolfgang Schäuble a totalement raison. La sortie du Royaume-Uni de l’UE serait catastrophique. Historiquement, politiquement et démocratiquement, la Grande-Bretagne est un atout pour l’Europe. C’est un partenaire difficile et soucieux de préserver ses intérêts nationaux, mais ce n’est pas une raison pour souhaiter son départ.

JOL Press : Quelles conséquences aurait une sortie de l’UE sur le Royaume-Uni ? 
 

Philippe Moreau Defarges : Le Royaume-Uni aurait beaucoup à perdre. Premièrement, l’Ecosse, favorable à une entrée au sein de la CEE en 1973, doit se prononcer en septembre par référendum sur son indépendance. Le Royaume-Uni est lui-même menacé d’éclatement.

Deuxièmement, la City, premier centre financier d’Europe, bénéficie largement de l’euro. Sortir de l’Union européenne, tout en restant membre du marché unique, aurait un impact très négatif pour la place de Londres. En effet, le gouvernement britannique ne pourrait plus défendre les intérêts de la City lors de la mise au point de la réglementation européenne.

Le Royaume-Uni se trompe en pensant qu’il pourrait trouver un équivalent commercial en se tournant vers son ancien empire colonial (Inde, Australie etc.). Enfin, il perdrait de l’influence vis-à-vis des Etats-Unis qui utilisent le Royaume-Uni comme une porte d’entrée dans l’UE.

JOL Press : Que pensez-vous du discours qui consiste à dire «bon débarras» aux Britanniques qui veulent quitter l’UE ? 
 

Philippe Moreau Defarges : Je pense qu’il s’agit d’un discours chauvin qui cache beaucoup de jalousie, notamment de la part des Français. Entre 300 000 et 400 000 Français travaillent à Londres. Il ne faut pas l’oublier. Si le Royaume-Uni quittait l’UE, beaucoup d’entreprises et d’investisseurs étrangers partiraient, causant la suppression de milliers d’emplois.

L’histoire du Royaume-Uni et de l’Europe est celle d’un mariage pénible. Il faut l’accepter. D’ailleurs, tous les gouvernements européens souhaitent le maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE. Les Britanniques sont indispensables à l’équilibre européen. Le libéralisme du Royaume-Uni fait contrepoids à l’interventionnisme de la France.

Propos recueillis par Marie Slavicek pour JOL Press

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