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Un nouvel horizon pour les «Enfants en danger» des immigrés d’Israël

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Inattendue séance de bricolage dans une école du quartier de Ramot, faubourg défavorisé au nord-ouest de Jérusalem avec Saar, Eva, Raphaël, Mosche, Lior… Une vingtaine d’enfants pour l’essentiel issus de familles immigrées en grande difficulté. Leurs parents sont arrivés, avant ou après leurs naissances de l’ex-URSS, du Caucase en particulier, mais aussi de Syrie ou même d’Irak ; ils peinent à s’intégrer, à subvenir simplement aux besoins des leurs et ont, plus ou moins, démissionné. A « parents démissionnaires », « enfants sans clé », enfants laissés à leur triste sort – errer dans la rue…

Une difficile intégration

« Offrir un nouvel horizon pour les enfants en danger », de la petite enfance jusqu’à l’adolescence, c’est la mission d’Afikim. Cet organisme associatif a développé des programmes qui figureraient, aujourd’hui, parmi les solutions les plus efficaces face à l’incapacité croissante du système éducatif israélien à répondre aux besoins de ces familles économiquement faibles, le plus souvent récemment installées dans le pays.

« Ici, à Ramot, dans une des dernières écoles élémentaires laïques, et donc mixtes, de Jérusalem, 25% des élèves vivent sous le seuil de pauvreté, et leur parents disposent donc de moins – et souvent largement moins – de 1000 shekels (200 euros environ) par mois et par enfant. Si, en Israël, l’école publique est payante à hauteur d’environ 400 shekels (80 euros par mois), ceux-ci ne paient qu’une vingtaine de shekels (4 euros) grâce aux subventions de la municipalité. Sans cela, ils ne seraient pas scolarisés et perdraient toute chance d’intégration, d’éducation et donc d’avenir. Mais, ce n’est pas suffisant… » explique Elisabeth Garreault, qui travaille pour Afikim. Ancienne professeur de droit, cette Française est arrivée en Israël il y a 20 ans. Se faisant, elle a troqué le confort de sa vie à Lyon, un métier gratifiant pour des petits boulots, des ménages d’abord, et n’a pas oublié les difficultés de l’intégration. 

Le refus de la fatalité

Les problématiques sont nombreuses pour comprendre la situation de ces « enfants en danger » et tenter d’y remédier. Mais, derrière celles de l’immigration et de l’intégration, c’est bien l’efficacité du système éducatif israélien qui se pose. « La journée d’école commence à 8 heures et s’achève à 13 heures, du dimanche au vendredi. En nombre d’heures hebdomadaires, les petits Israéliens ne sont pas mieux lotis que leurs homologues français, par exemple. Mais, ensuite, si les parents n’ont pas les moyens de payer pour des activités, fussent-elles – rarement – organisées par des structures publiques, rien, la rue ! » explique Elisabeth.

A plus de 3000 kilomètres, cette déclaration retentit comme une contribution au débat franco-français sur les rythmes scolaires. Sauf qu’ici, le débat est tranché, nous garantit-elle… « Mes enfants ont effectué leur scolarité en Israël. Mon fils est aujourd’hui un ingénieur diplômé d’une des meilleures universités et c’est pour moi un miracle car je ne l’ai jamais vu travailler… Jusqu’au Bac, des journées courtes, deux mois de vacances en juillet et août, quelques jours de cours et une trêve à rallonge pour les fêtes religieuses de la nouvelle année et, après le Bac, trois ans d’armée avant l’université. »

Mens sana in corpore sano

Sous l’impulsion de Moshé Levkowitz, le charismatique – et sympathique – directeur général d’Afikim, un homme à la carrure imposante et aux convictions, religieuses notamment, bien établies, l’organisme a développé un complément au cadre de l’école. Repérés pour leurs situations sociales tout autant que pour leur potentiel et leur volonté, 500 enfants sur 10 sites – 12 en septembre – reçoivent un complément éducatif – en hébreu, anglais et mathématiques – ainsi qu’un « enrichissement » à travers la pratique des arts ou des sports, et la sensibilisation à un certain nombre de valeurs – l’aide au prochain et le don à la communauté, la charité, la droiture, la responsabilité ou encore, comme cet été, l’amour de la Terre. « Les citoyens de demain, ce sont eux. Nous tenons à optimiser leurs capacités, développer leur confiance en soi. Mais nous leur apprenons aussi qu’il n’y a pas de fatalité à être assisté, et que, s’il est facile de recevoir, il faut aussi savoir donner » détaille Moshé.

L’ « école des parents »

Un peu plus tôt, en conclusion de sa critique – toute relative – du système éducatif israélien, Elisabeth Garreault attribuait la réussite des jeunes Israéliens aux « mères juives » : « On compare souvent, à juste titre notre système aux systèmes anglo-saxons mais on sous-estime un élément, la mère juive ! » Mais celle de Lior et celles de tous ses camarades dans cette salle de classe joliment décorée sont confrontées à de telles difficultés qu’elles peinent à exprimer leurs instincts quels qu’ils soient. En réponse, Afikim propose, une fois par semaine, des activités de dynamique de groupe, offre soutien, stimulation et un appui pratique, à travers la distribution de cartes alimentaires et l’aide à la recherche d’un emploi, si besoin. C’est l’ « école des parents » pour les « mères juives » et les pères aussi…

C’est l’heure du déjeuner, un des deux repas quotidiens offerts à la petite troupe. Lior et Mosché ont bon appétit mais ont aussi appris la mesure, même devant des frites maisons, un délicieux kebab et du coca-cola. Une sonnerie stridente. Obnubilé par la situation politique et militaire, on imagine une alerte, la sirène est une cloche et l’urgence n’est autre que de terminer le repas. Pour autant, la « situation politique et militaire » n’est pas un sujet tabou pour ces enfants, à l’école comme en dehors. Le premier niveau de responsabilité pour les animateurs d’Afikim consiste à les sensibiliser aux bonnes pratiques en cas de conflit, et le second, c’est de leur donner espoir.

Lior, Mosche, Saar, Eva, Raphaël et les autres se lèvent et entonnent « Evenou shalom alekhem, evenou shalom alekhem, evenou shalom alekhem, evenou shalom alekhem…» Avec Afikim, ils nous annoncent la paix, et, sur ce sujet, mieux vaut trois fois qu’une…  

 
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