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L’Égypte accusée de «probables» crimes contre l’humanité

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« Sur la place Rabaa, les forces de sécurité égyptiennes ont perpétré en une seule journée l’un des plus importants massacres de manifestants de l’histoire récente », a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de l’ONG Human Rights Watch, dans un rapport rendu public mardi 12 août.

Il y a un an jour pour jour, quelques semaines après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi – le premier président élu démocratiquement en Egypte – l’armée et la police dispersent dans un bain de sang les soutiens du président, venus manifester en masse sur les places Rabaa Al-Adhawiya et Nahda au Caire.

« Répression planifiée »

« Il ne s’agit pas seulement d’un recours excessif à la force ou d’un entraînement insuffisant des forces de sécurité », indique M. Roth. « Il s’agit d’une répression violente et planifiée au plus haut niveau du gouvernement égyptien. Beaucoup de ces représentants de l’Etat sont encore au pouvoir en Égypte alors qu’ils ont bien des comptes à rendre », déplore le président de l’ONG.

Alors que Human Rights Watch écrit qu’au moins 817 personnes sont mortes ce jour-là et que plus d’un millier de pro-Morsi sont morts lors des nombreuses manifestations entre juillet et août 2013, le gouvernement égyptien reconnaît, de son côté, la mort de 700 personnes.

Le rapport de 195 pages, qui s’appuie sur les témoignages de plus de 200 personnes, décrit et documente la manière avec laquelle les forces de police et l’armée égyptienne ont « méthodiquement ouvert le feu à balles réelles au cours des six manifestations entre le 5 juillet et le 17 août 2013 sur la foule de manifestants qui s’opposait au renversement par les militaires, le 3 juillet, de Mohamed Morsi ». « Les meurtres systématiques et généralisés par les forces de sécurité égyptiennes constituent probablement des crimes contre l’humanité », indique encore le rapport.

La destitution du président islamiste, soutenu par les Frères musulmans, avait été menée par le chef des armées et actuel président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, récemment élu à la tête de la République.

Témoignages

En complément de son rapport, Human Rights Watch a mis en ligne une vidéo (en anglais) de huit minutes montrant les événements tels qu’ils se sont déroulés sur la place Rabaa, le 14 août 2013, alimentée de récits de témoins.

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« J’essayais d’aider ceux qui quittaient la place. J’avais du coca-cola, que je versais sur le visage de ceux qui avaient reçu du gaz. On m’a tiré dessus plus d’une fois avec des petites balles. Ça fait mal mais j’ai pu le supporter », témoigne Mohamed Tareq, professeur à l’Université d’Alexandrie, dans la vidéo. « Après cela, j’ai été touché par des balles réelles, qui ont atteint mon bras et ma poitrine », poursuit-il, montrant sur son corps les traces d’impacts.

« J’ai entendu un policier crier: « Dépêchez-vous, mettez-vous là », sa voix tremblait. Il y avait une rangée d’[environ six] hommes ; ils marchaient avec les mains sur la tête. Le policier a soudainement ouvert le feu, puis j’ai vu un homme à terre. Il l’a tué sans aucune raison » explique un autre témoin, habitant près de la place.

Face à ces tueries de masse, Human Rights Watch dénonce l’impunité persistante en Egypte : « Les autorités n’ont pas obligé le moindre officier de police ou militaire, même peu gradé, à rendre des comptes pour l’une de ces tueries, et encore moins un représentant de l’Etat responsable de les avoir ordonnées, et continuent à réprimer les dissidents avec brutalité ».

Le Caire critique le rapport

De son côté, le gouvernement égyptien critique le rapport qu’il considère biaisé et manquant d’objectivité. Dans un communiqué, le Caire a tenu à rappeler que « le premier martyr » mort lors des manifestations était un policier, tué par balles. « Le rapport ignore délibérément les centaines de martyrs parmi la police, l’armée et les civils, tombés lors de violences et d’attaques terroristes », indique le communiqué.

Les Frères musulmans, partisans de Mohamed Morsi et majoritaires dans les rangs des manifestants de la place Rabaa, font l’objet d’une importante répression depuis un an par le nouveau pouvoir égyptien qui tente d’en finir avec la confrérie islamiste, accusée d’être à l’origine de plusieurs attentats terroristes en Egypte. La branche politique de la confrérie a été dissoute le 9 août par le gouvernement.

Les représentants de Human Rights Watch, qui devaient se rendre au Caire dimanche 10 août pour y présenter mardi le rapport, n’ont par ailleurs pas pu entrer sur le territoire égyptien. Le gouvernement a évoqué des « raisons de sécurité ».

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