Site icon La Revue Internationale

Trêve durable à Gaza: quel bilan pour Israël et le Hamas?

[image:1,l]

(Crédit photo: Ruskpp / Shutterstock.com)

Baisse de popularité
 

JOL Press : Après cinquante jours de combat entre Israël et le Hamas, quelles victoires et quelles défaites ont enregistré l’une et l’autre des parties ?
 

Olivier Danino : D’un point de vue politique, ces opérations ont eu un coût élevé pour le Hamas comme pour le gouvernement israélien. La popularité de Benjamin Netanyahou a chuté. Les récents sondages israéliens ont montré une baisse importante et une insatisfaction assez élevée de la population israélienne.

Du côté palestinien, c’est un peu plus dur à mesurer pour le moment. Mais la population de la bande de Gaza n’a pas été entièrement derrière le Hamas, notamment à cause des bombardements qui ont visé les caches d’armes du Hamas et ont fait des dégâts au sein de la population palestinienne. La cote de popularité du Hamas, depuis son élection en 2006 et sa prise de contrôle de la bande de Gaza en 2007, n’a fait que décroître. Aujourd’hui, malgré les scènes de liesse diffusées par la télévision du Hamas, celui-ci doit accuser le coût de cette impopularité.

D’un point de vue militaire, sur le terrain, on peut dire que les Israéliens ont atteint un certain nombre d’objectifs qu’ils s’étaient fixés, notamment la destruction de nombreux tunnels du Hamas. Concernant les roquettes du Hamas, le gouvernement israélien dit qu’il en a détruit une très grosse quantité. Il semblerait, selon l’armée, que les combattants palestiniens ne disposent désormais que de 20% de l’arsenal dont ils disposaient au départ.
 

Deuxième round
 

JOL Press : A quoi vont servir les nouvelles négociations entre Israéliens et Palestiniens qui auront lieu dans un mois ?
 

Olivier Danino : Les négociations qui sont en cours portent sur un cessez-le-feu de longue durée et sans limite de temps. Elles se déroulent en deux parties : un certain nombre de mesures doivent être appliquées dans les prochains jours, et le prochain rendez-vous sera consacré à des sujets plus profonds et plus sensibles.

L’idée, c’est d’abord d’obtenir le calme sur le terrain et un certain nombre de compromis de part et d’autre, pour permettre ensuite de négocier sur des sujets beaucoup plus pointus et difficiles à atteindre. Les points d’achoppement, tels que la démilitarisation de Gaza, ou la construction d’un port et la reconstruction de l’aéroport Yasser Arafat dans l’enclave palestinienne, font partie de la deuxième phase des négociations. Tous ces éléments seront évoqués, de même que la question du rôle de Mahmoud Abbas.
 

De nouvelles élections palestiniennes ?
 

JOL Press : Justement, en obtenant le contrôle des frontières de la bande de Gaza, peut-on dire que Mahmoud Abbas sort gagnant de ces négociations ?

Olivier Danino : Dans l’accord de réconciliation inter-palestinienne entre le Fatah et le Hamas, l’idée, c’était que les deux territoires soient réunis, et que l’Autorité palestinienne puisse donc exercer son autorité sur l’ensemble du territoire.

Qui peut maintenant diriger l’Autorité ? C’est la deuxième question à laquelle nous n’avons pas encore de réponse définie. Mais le Hamas est arrivé au terme de son mandat législatif depuis longtemps, tout comme Mahmoud Abbas est arrivé au terme de son mandat présidentiel. Pour que le pouvoir palestinien soit légitime, il faut donc de nouvelles élections. En théorie, celles-ci devraient avoir lieu à l’automne, selon l’accord palestinien. Mais aucune date n’a été fixée.

L’idée de la communauté internationale et de l’Egypte – qui fait office d’intermédiaire dans ces négociations –, c’est de profiter du conflit pour faire revenir le président Abbas au cœur de la scène politique palestinienne et au cœur de la bande de Gaza, pour faciliter l’intégration de l’Autorité palestinienne dans l’enclave palestinienne.
 

La médiation égyptienne
 

JOL Press : Quel a été le rôle de l’Égypte dans l’aboutissement de cette trêve ?
 

Olivier DaninoL’Égypte, parce qu’elle entretient traditionnellement des relations avec Israël et avec les Palestiniens, a toujours été, d’office, le médiateur. Il est en effet compliqué pour des pays comme les Etats-Unis, par exemple, de servir d’intermédiaire, parce que le Hamas figure sur leur liste des mouvements terroristes.

Mais dans ce conflit-là, l’Égypte ne voulait pas jouer ce rôle de médiateur, parce que le pouvoir égyptien actuel, qui découle de l’armée, voyait d’un bon œil l’opération israélienne dans la bande de Gaza. Il faut en effet rappeler que l’Égypte est un acteur à part entière dans ce conflit puisqu’il est lui-même à l’origine d’un blocus de Gaza. Il faut également rappeler que les militaires égyptiens au pouvoir ont classé les Frères musulmans – dont le Hamas est la branche palestinienne – comme un groupe terroriste en Égypte. Ils entretiennent donc des relations extrêmement tendues avec le Hamas.

Pour toutes ces raisons, l’Égypte a « traîné des pieds » avant d’accepter de faire office de médiateur. Si elle a finalement accepté, c’est aussi parce que les Américains ont énormément poussé à ce que l’Égypte joue ce rôle.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

——–

Olivier Danino est chercheur à l’Institut Français d’Analyse Stratégique (IFAS), spécialiste du Moyen-Orient et du conflit israélo-palestinien. Ses recherches portent principalement sur les sociétés israélienne et palestinienne, sur les questions liées au processus de paix et en particulier le statut de la ville de Jérusalem, et sur la dimension cybernétique des conflits du Moyen-Orient et du conflit israélo-palestinien. Il est l’auteur de l’ouvrage Le Hamas et l’édification de l’État palestinien, Éditions Khartala, septembre 2009.

Quitter la version mobile