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Écosse: «Pour les indépendantistes, la victoire est à leur portée»

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Le 18 septembre prochain, les Ecossais de plus de 16 ans devront se prononcer sur l’indépendance de l’Ecosse – Photo DR Shutterstock

 JOL Press : A deux semaines du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, le oui progresse selon un récent sondage Yougov, qui révèle une réduction d’écart entre le oui et le non. Cet écart est-il significatif ?
 

Nathalie Duclos : La réduction de l’écart est significative dans le sens, où, depuis le début de la campagne en 2012, le camp du oui a pour la première fois l’impression que la victoire est à sa portée. Non seulement l’écart s’est resserré à l’avantage du « oui », mais un certain nombre de personnes sont encore indécises dans leur vote. La victoire du « oui » est donc concrètement possible.

JOL Press : La semaine dernière, une centaine de patrons écossais ont rappelé « les liens économiques très forts au sein du Royaume-Uni ». Quelles seraient les conséquences économiques et sur l’emploi de l’indépendance pour l’Ecosse ?
 

Nathalie Duclos : Aujourd’hui, les deux camps avancent des chiffres complètement contradictoires : les partisans du oui et non ont leurs propres chiffres, leurs propres experts ou économistes qui affirment, en fonction du camp dans lequel ils se trouvent, que l’indépendance, ou le maintien de l’Ecosse dans le Royaume-Uni est dans l’intérêt économique de l’Ecosse, ou non. Il est donc impossible pour le citoyen de faire son choix sur cette base-là.

Le camp du oui veut garder la Livre sterling et signer une Union monétaire avec le reste du Royaume-Uni, ce que refuse le reste du Royaume-Uni. Mais personne ne peut empêcher l’Ecosse d’utiliser la Livre sterling. Aujourd’hui une question s’impose : est-ce que l’Ecosse utilisera la livre sterling sans l’accord de Londres, ou est-ce qu’elle le fera dans une Union monétaire avec le reste du Royaume-Uni ?

JOL Press : Quel est le principal enjeu économique pour le Royaume-Uni dans ce référendum ?
 

Nathalie Duclos : Pour le reste du Royaume-Uni, le principal enjeu économique concerne le pétrole. Plus de 90% du pétrole britannique se trouve dans les eaux écossaises. Si l’Ecosse devenait indépendante, les revenus pétroliers du Royaume-Uni seraient amenés à baisser de façon drastique.

JOL Press : En cas d’une éventuelle indépendance, l’Ecosse devra-t-elle sortir de l’Union européenne ?
 

Nathalie Duclos : Là encore, c’est une question qui divise le camp du oui et celui du non. Tout le monde s’accorde à dire que l’Ecosse pourra être membre de l’Union européenne. Cependant, les deux camps ne sont pas d’accord sur les conditions de l’adhésion. Les indépendantistes veulent que l’Ecosse, au même titre que le reste du Royaume-Uni, soit un Etat successeur de l’actuel Royaume-Uni. En tant qu’Etat successeur, l’Ecosse n’aura pas à candidater à l’Union Européenne mais se maintiendra au sein de l’UE et devra donc simplement négocier les conditions de son maintien. Le camp du « non », affirme quant à lui que de par son indépendance, l’Ecosse sortira de l’UE et devra candidater à l’adhésion, au même titre que la Turquie par exemple.

JOL Press : A deux semaines du référendum, la tension est palpable entre les partisans du oui et du non. Un certain nombre d’électeurs sont en revanche désintéressés au point de mettre leur voix aux enchères sur eBay. Qu’est-ce que l’indépendance changera dans la vie quotidienne des Ecossais ?
 

Nathalie Duclos : Pour un observateur étranger, la différence sera en effet difficile à percevoir. La vie quotidienne des Ecossais ne sera différente que si le futur gouvernement écossais prend des décisions politiques et adopte une politique économique radicalement différente de celle du Royaume-Uni actuellement. Il n’y aura pas de grandes différences symboliques, puisque l’Ecosse possède déjà un Parlement, un gouvernement, et qu’elle garderait le même chef d’Etat…la seule grande différence symbolique serait si les Ecossais décidaient d’adopter leur propre monnaie. Mais l’essentiel n’est pas là : la vie quotidienne des Ecossais ne changerait réellement que si le futur gouvernement de l’Ecosse indépendante adoptait une politique sociale et économique radicalement différente et notamment, si les Ecossais élisaient un gouvernement qui voudrait s’écarter du néo-libéralisme dominant au Royaume-Uni actuellement.

JOL Press : Alex Salmond, figure de proue des indépendantistes, a pris l’ascendant sur son opposant Alistair Darling lors du deuxième débat télévisé. Comment expliquer le fait que le nombre d’électeurs du Parti travailliste en faveur de l’’indépendance ait augmenté de 13 à 30 % ?
 

Nathalie Duclos : Le parti travailliste est officiellement contre l’indépendance, mais certains électeurs du parti se sont positionnés en faveur de l’indépendance de l’Ecosse. Il y a actuellement un gouvernement de droite à Londres qui met en place une politique d’austérité que rejettent les Travaillistes. Les électeurs de ce parti qui sont favorables à l’indépendance la voient comme une occasion de se détourner de cette politique d’austérité et de mettre en place un Etat qui soit plus social-démocrate que néo-libéral.

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Nathalie Duclos, spécialiste de la politique écossaise est maître de conférences au Département d’anglais à l’Université de Toulouse 2- Jean Jaurès

 

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