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Est-ce le moment de demander la reconnaissance de la Palestine?

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(Crédit photo : mikhail / Shutterstock.com)

JOL Press : Mahmoud Abbas sera en visite en France vendredi 19 septembre et tentera de rallier François Hollande à sa demande de reconnaissance d’un Etat palestinien aux Nations Unies. Alors que le processus de paix avec Israël est au point mort, que la tension de ces derniers mois n’est pas retombée, cette demande n’est-elle pas prématurée ?

Bernard Botiveau : Cette question a toujours été à l’ordre du jour sans que ce dossier n’avance depuis vingt ans. Cependant il est en effet intéressant de se demander pourquoi les Palestiniens choisissent ce moment, alors que tout va mal pour eux à Gaza comme en Cisjordanie, pour relancer les négociations.

A la suite de la guerre entre Israël et la Bande de Gaza, qui s’est terminée le 26 août, la tension reste très forte et cet épisode a montré que la situation est bloquée entre la Palestine et l’Etat hébreu. Rappelons également que la mission de négociation de John Kerry s’est achevée sans résultats en janvier dernier. Ce n’était qu’un échec de plus après de très nombreux précédents depuis vingt ans.

C’est donc l’impasse, pourtant, Mahmoud Abbas a besoin de prendre l’initiative après avoir échoué sur beaucoup de plans. Il va donc se tourner vers l’ONU en espérant qu’elle fasse avancer la reconnaissance de l’Etat palestinien, à l’heure où Israël vient d’annoncer la confiscation de 400 hectares supplémentaires de terre en Cisjordanie.

Mahmoud Abbas demandera donc une période de trois ans au terme de laquelle l’Etat palestinien devrait être déclaré.

JOL Press : Concrètement, que changerait cette reconnaissance pour l’Autorité palestinienne ?
 

Bernard Botiveau : Depuis les Accords d’Oslo de 1993 et l’installation en 1994 de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et à Gaza, l’Etat palestinien aurait dû être proclamé à plusieurs reprises, mais aucune tentative n’a jamais abouti.

Aujourd’hui, la situation sur le terrain a beaucoup progressé et Israël a un territoire beaucoup plus grand. Le territoire que recouvrerait alors l’Autorité palestinienne en cas d’accord n’excéderait pratiquement pas 20% de la Palestine historique.

Sur le terrain, cette reconnaissance ne changerait pas la donne. Symboliquement en revanche, ce statut serait très important pour les Palestiniens

JOL Press : En faisant un pas vers Mahmoud Abbas, la France ne risque-t-elle pas de froisser les Etats-Unis dans un contexte où l’unité internationale est de mise dans la lutte commune contre l’Etat Islamique en Irak ?
 

Bernard Botiveau : Le risque n’est pas grand vis-à-vis des Etats-Unis. Contrairement à l’époque de Jacques Chirac, Dominique de Villepin etc. la France est aujourd’hui complètement aux côtés des Américains.

Lors de la dernière guerre de Gaza, François Hollande a d’abord reconnu le droit d’Israël à se défendre avant de condamner les excès israéliens du bout des lèvres. Médiatiquement, l’affaire prenait beaucoup d’importance mais globalement le gouvernement française ne se souciait pas beaucoup de ce qui se passait à Gaza à ce moment-là. Comme la France suit la politique américaine au Proche Orient, principalement dans la lutte contre l’Etat islamique, attirer l’attention sur la situation désastreuse des Palestiniens pourrait alors devenir une forme de compensation.

JOL Press : Alors que tous les yeux sont tournés vers l’Irak, la reconnaissance d’un Etat palestinien est-elle vraiment au cœur des préoccupations de la communauté internationale ?
 

Bernard Botiveau : Pour de nombreuses raisons, cette situation est vraiment secondaire. Trois ans plus tôt, en 2011, le déclenchement des Révolutions arabes avait déjà mis la Palestine de côté.

Aujourd’hui, la lutte prioritaire contre l’Etat Islamique met de nouveau l’Autorité palestinienne comme « hors-jeu » sur la scène internationale.

JOL Press : Dans la mesure où les Etats-Unis pourront toujours opposer leur veto à une telle requête, cette demande est-elle vouée à l’échec ?
 

Bernard Botiveau : Jusqu’à maintenant, cela a toujours été le cas. Les Etats-Unis n’ont d’ailleurs pas besoin d’opposer leur véto, il suffit qu’ils en fassent juste la menace pour que la question ne soit pas posée.

Pour le moment, celle-ci n’est d’ailleurs pas à l’ordre du jour, la stratégie de Mahmoud Abbas est de demander ce délai de trois ans à l’issue duquel il faudrait déclarer l’Etat palestinien.

Mahmoud Abbas recherche également l’accès à la Cour pénale internationale pour juger ce que les Palestiniens considèrent de la part d’Israël comme des crimes de guerre. Cette possibilité a été ouverte depuis que les Palestiniens ont obtenu le statut de non-membre observateur aux Nations Unies.

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