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Exode des chrétiens d’Irak: «Agir vite et neutraliser les terroristes»

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L’Eglise Saint Joseph d’Erbil, au Kurdistan irakien, a accueilli de nombreux réfugiés chrétiens qui fuyaient les djihadistes de l’Etat islamique, août 2014. (Crédit photo : Sadik Gulec / Shutterstock.com)

Après une première réunion tenue au Quai d’Orsay début août et la visite du ministre français des Affaires étrangères à Erbil, au Kurdistan irakien, une seconde réunion a eu lieu mercredi 3 septembre à Paris.

Des parlementaires, des représentants de l’Eglise catholique et des églises chrétiennes d’Orient, des associations ainsi que le préfet chargé de la coordination de l’accueil des réfugiés irakiens, étaient présents afin « d’évaluer et d’amplifier l’action » que la France mène « sur les plans politique, sécuritaire et humanitaire » en Irak, indique le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

« La France est heureuse de vous accueillir »

Jeudi 21 août, un premier groupe de quarante chrétiens venus d’Irak arrivait à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, accueillis sur le tarmac par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. « La France est heureuse de vous accueillir. Je connais les circonstances tragiques qui vous ont fait quitter vos maisons, vos villes. Mais ici, vous êtes en sécurité », avait-il déclaré.

Les quarante premiers chrétiens irakiens arrivés en France ont été choisis parce qu’ils avaient déjà un lien avec la France. Ce sont en effet les familles ou les proches qui ont la charge des réfugiés. Les experts et associations estiment néanmoins que vider l’Irak de sa population chrétienne n’est pas forcément une solution.

« Nous n’empêchons pas les gens de quitter l’Irak. Si nous pouvons les accueillir en France, tant mieux. Mais nous ne pouvons pas donner le dernier mot aux terroristes de « l’Etat islamique », ce serait leur accorder une victoire supplémentaire que de pousser les chrétiens à fuir leur pays », estime Mgr Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, interrogé par JOL Press. « Environ 10 000 demandes ont été faites auprès du consulat général de France à Erbil, dès les premiers jours en août. Peut-être en accueillerons-nous 1500 ou 2000 », indique-t-il.

Mobilisation contre les persécutions

Depuis la prise de Mossoul et face à l’avancée des djihadistes de l’Etat islamique en Irak, la population chrétienne, dont la majorité fuit le pays depuis plus de dix ans, est persécutée. L’Etat islamique, qui impose une application stricte de la charia – la loi islamique – oblige les chrétiens à se convertir ou à payer une taxe spéciale. S’ils refusent, ils sont contraints de fuir pour ne pas être tués.

Face à ces persécutions, plusieurs initiatives et mobilisations ont été lancées. La lettre arabe ن (noun), première lettre du mot « nazaréen », par laquelle les islamistes marquent les maisons des chrétiens, est devenue le symbole du soutien aux minorités chrétiennes persécutées. Sur Twitter, le hashtag (mot-clé) #ن a été repris par des milliers d’internautes. Des pétitions en ligne, adressées à l’ONU et à la Ligue arabe, ont également été lancées.

Les chrétiens d’Irak, présents depuis des milliers d’années sur ces territoires, sont aujourd’hui moins de 400 000. Les derniers événements pourraient bien vider totalement le pays de ses populations chrétiennes. Interrogé par JOL Press, le réalisateur franco-irakien Layth Abdulamir dressait ainsi un sombre tableau de l’avenir de ces minorités : « le destin des chrétiens pourrait être comme celui des juifs d’Irak : ils disparaîtront ».

Une milice d’autodéfense pour les chrétiens ?

« Pour empêcher cela, il faut absolument agir vite et neutraliser les terroristes », confie Mgr Gollnisch. « Cette neutralisation passe par une action militaire, parce que c’est un groupe d’une grande violence et d’une grande cruauté, qui a mis la main sur des armes lourdes. Il faut également traduire leurs chefs devant la Justice internationale pour crime contre l’humanité et génocide », ajoute-t-il.

« Pour cela, il faut s’appuyer sur l’armée kurde et le gouvernement de Bagdad, mais il faudrait aussi une milice d’autodéfense pour les chrétiens, et que la communauté internationale garantisse la sécurisation de zones chrétiennes, à l’instar des zones d’exclusion aérienne », estime le prêtre. « Enfin, la situation humanitaire est dramatique sur place (il y a entre 500 000 et 800 000 réfugiés) : il faut permettre à ces gens de survivre, aujourd’hui sous 50 degrés, mais demain dans le froid de l’hiver kurde ».

« Pas de cris de vengeance ni de haine »

Mgr Gollnisch, qui s’est rendu à deux reprises en Irak cet été, explique que les réfugiés sont traumatisés, et que nourrissons et vieillards vivent dans des conditions souvent insalubres. « Mais ce qui me frappe, c’est que les gens crient leur souffrance et l’injustice dont ils sont victimes, mais je n’ai pas entendu de cris de vengeance ou de haine », signale-t-il.

« Il faut aussi savoir que des musulmans, qui voulaient aider les chrétiens, ont été abattus par des terroristes », déplore-t-il. « Encore une fois, ce n’est pas un conflit qui oppose musulmans et chrétiens. Les terroristes sont condamnés unanimement par les autorités musulmanes, de France et d’ailleurs ».

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