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Indépendance de l’Écosse: les répercussions à Westminster

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L’indépendance de l’Ecosse rebattrait les cartes au sein de la Chambre des communes, à Londres ; elle ouvrirait une nouvelle ère, où les coalitions seraient la règle. (Crédit : Shutterstock)
 

David Cameron sur la sellette ? Le Parlement bouleversé ?
 

JOL Press : La victoire du « oui » serait un camouflet pour le Premier ministre David Cameron, qui resterait à jamais dans l’histoire britannique comme le Premier ministre qui a perdu l’Ecosse. Pourrait-il être contraint de démissionner ?

Didier RevestIl a lui-même déclaré qu’il resterait au pouvoir quoi qu’il arrive. Il est de toute façon difficilement imaginable de le voir démissionner. Si l’Ecosse devenait indépendante, une période de transition s’ouvrirait alors, période durant laquelle des négociations auraient lieu.

Or, David Cameron aurait dans ce cas tout intérêt à jouer un rôle prépondérant, histoire de faire oublier un tant soit peu qu’il aura été le Premier ministre sous le mandat duquel le Royaume-Uni a volé en éclats.

Bref, une démission de David Cameron est toujours possible, mais elle demeure peu probable.

JOL Press : Les travaillistes puisent énormément de leurs députés en Ecosse. En cas d’indépendance, le Labour perdrait ainsi pas moins de 40 élus à la Chambre des communes (sur les 59 issus de l’Ecosse). Comment l’équilibre des forces à Westminster pourrait-il se retrouver perturber par une indépendance écossaise ?

Didier RevestL’indépendance de l’Ecosse changerait effectivement la donne, et en particulier pour le parti travailliste, qui perdrait donc une partie importante de son contingent d’élus.

Cependant, il ne faut rien exagérer a priori, car rien ne dit qu’il deviendrait de ce fait minoritaire de manière permanente.

D’une part, les conservateurs ne sont en aucun cas assurés d’obtenir aisément la majorité des suffrages anglais à l’avenir ; ils l’ont appris de manière cuisante à plusieurs reprises, notamment lors des législatives de 1997 et de 2001.

D’autre part, on peut imaginer que le départ de l’Ecosse déclenche un débat de fond autour du mode de scrutin dans le but d’introduire une dose de proportionnelle.

Certes, la disparition des députés écossais poserait donc des difficultés au Labour Party, mais elles ne seraient probablement pas insolubles.

Vers des législatives anticipées ? Quel avenir européen pour un Royaume « désuni » ?
 

JOL Press : Si le « oui » l’emportait en Ecosse, David Cameron pourrait être contraint d’organiser de manière anticipée les prochaines législatives, prévues en mai 2015. L’UKIP, parti britannique populiste et europhobe, pourrait-il profiter lors de ce scrutin de la défaite des conservateurs et des travaillistes, partisans de la campagne « Better Together » (« Mieux ensemble ») ?

Didier Revest : Il faut bien admettre de nouveau que l’indépendance de l’Ecosse ternirait l’image de marque du gouvernement de David Cameron.

Néanmoins, la percée réalisée récemment par le parti UKIP ne doit pas grand-chose à la « question écossaise ». Si les scrutins à venir lui sont favorables, ce sera essentiellement pour des raisons passablement différentes, à commencer par l’état de l’économie, les difficultés matérielles auxquelles est confrontée une partie de l’électorat, et naturellement la question des relations entre le pays et l’Union européenne.

JOL Press : David Cameron a promis – en cas de victoire des Tories aux prochaines législatives de mai 2015 – la tenue d’un référendum d’ici 2017 sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Quelle incidence une indépendance écossaise pourrait-elle avoir sur ce référendum ?

Didier Revest : Si David Cameron persiste et signe en cas de réélection, il devra certainement tenir compte des événements ayant lieu dans une Ecosse désormais indépendante.

En effet, si elle se maintient dans l’Union européenne (comme le veulent beaucoup d’indépendantistes) tandis que l’ensemble constitué par l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord en sort, les relations commerciales entre les deux nouveaux pays risquent d’en pâtir puisqu’ils appartiendront désormais à des aires économiques répondant à des règles différentes, par définition coûteuses en temps et en bureaucratie.

Voilà qui pourrait en définitive faire réfléchir bien des électeurs tentés par un retrait. Si l’on s’en tient cependant aux derniers sondages, il se pourrait bien que ce soit le parti travailliste qui remporte les prochaines élections législatives.

Or, Ed Milliband [le chef de l’opposition travailliste, ndlr] a toujours vu d’un mauvais œil toute remise en cause radicale de l’appartenance de son pays à l’Union européenne, dont il sait par exemple qu’elle justifie plus ou moins directement l’existence d’au moins trois millions d’emplois britanniques.

Propos recueillis par Coralie Muller pour JOL Press

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Didier Revest est Maître de conférences en civilisation britannique à l’université de Nice-Sophia Antipolis.
 

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