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Indépendance de l’Écosse: «L’identité nationale est au coeur du référendum»

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ll a fallu attendre les années 1970 pour que le Scottish National Party (SNP) commence à faire entendre sa voix dans le paysage politique écossais. (Crédit : Shutterstock)

 

JOL Press : Pour quelles raisons l’Ecosse est-elle entrée dans le Royaume-Uni en 1707 ? Quel(s) intérêts(s) y avait-elle ?

 

Géraldine VaughanLe traité d’Union a été signé par les parlementaires écossais et anglais pour des raisons de politique intérieure (contenir la menace jacobite par exemple), pour des raisons de diplomatie (la France de Louis XIV soutenait les Jacobites, partisans d’un retour des Stuarts exilés sur le trône britannique) et pour des raisons économiques et commerciales.

L’économie est placée au premier plan dans les discussions autour du référendum aujourd’hui et il faut souligner que l’accès aux marchés coloniaux a aussi influencé la décision des parlementaires écossais en 1707. S’unir avec l’Angleterre, c’était avoir un accès illimité aux échanges avec les colonies anglaises. L’empire anglais devenait ainsi un empire britannique.

L’alliance fut également facilitée parce que les Ecossais gardèrent « intacts » trois piliers de leur identité nationale : l’éducation, la religion presbytérienne (Church of Scotland) et le droit privé.

Néanmoins, il ne faut pas s’imaginer que tout se passa sans violence : en décembre 1706, l’armée campait aux abords d’Edimbourg pour contenir les insurrections anti-Union.

Jusqu’aux années 1740, l’Union fut remise plusieurs fois en cause, tant sur le plan législatif que sur le plan militaire (rébellions jacobites). La tranquilité revint à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

JOL Press : Quand a émergé le mouvement séparatiste en Ecosse ?

 

Géraldine Vaughan : Le Scottish National Party (ou son ancêtre) est né dans les années 1920 dans une Europe où émergeaient d’autres mouvements nationalistes (le parti actuel a été fondé en 1934).

Mais le premier succès électoral législatif remonte aux années 1960. Il a fallu attendre les années 1970 pour que le SNP commence à faire entendre sa voix dans le paysage politique écossais.

Puis le fossé creusé par les années Thatcher et par le glissement à droite du Labour Party ont également profité au SNP depuis la fin des années 1980.

JOL Press : Peut-on dire que le nationalisme écossais repose aujourd’hui moins sur des considérations identitaires que politiques ?

 

Géraldine Vaughan : Je ne serais pas tout à fait d’accord avec cette formulation. L’identité nationale écossaise, qui certes ne repose pas sur des critères ethniques (du moins est-ce la position du SNP), est au coeur de la campagne en faveur de l’indépendance.

Peut-être est-ce plus simple de mettre en avant des considérations politiques (la fin du gouvernement conservateur, un modèle de société plus juste, une européaonophilie), mais il n’en demeure pas moins que l’identité nationale est au coeur du référendum.

La question qui est posée jeudi 18 septembre est aussi celle de l’identité britannique. Qu’est-ce qu’être britannique si tout projet commun (qui fut à une époque l’empire, la religion protestante, la lutte contre des ennemis européens) a disparu ?

Ce référendum pose aussi la question de l’identité anglaise – on confond bien souvent Britishness et Englishness. Si le « oui » l’emporte, que voudra dire « être anglais » le 19 septembre 2014 ?

JOL Press : Depuis trois siècles, Ecosse et Angleterre vivent plutôt en bonne harmonie. Pourquoi vouloir larguer les amarres ?

 

Géraldine Vaughan : L’historien Tom Devine a justement écrit récemment que l’Union de 1707 fut un mariage de convenance et non un mariage d’amour.

Les tensions sont plus vives depuis une trentaine d’années – or une Union contractée par des hommes n’est pas indissoluble ! Ainsi, ne pourrait-on pas imaginer que ce qui fut l’oeuvre de 1707 puisse être défaite par les hommes et les femmes d’aujourd’hui ?

 

Propos recueillis par Coralie Muller pour JOL Press

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Géraldine Vaughan est maître de conférences en histoire et en civilisation britanniques à l’université de Rouen.
 

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