Site icon La Revue Internationale

Les organisations musulmanes de France unanimes pour condamner l’EI

[image:1,l]

(Crédit photo : Bensliman Hassan/Suutterstock.com)

JOL Press : Les mosquées et institutions musulmanes de France ont lancé un appel contre l’Etat Islamique. Une telle unanimité parmi toutes les autorités musulmanes de France est-elle inédite ?
 

Sabrina Mervin : Cet été, en ordre dispersé, des organisations musulmanes avaient déjà apporté leur soutien aux chrétiens d’Orient pourchassés par l’Etat Islamique (EI). La semaine dernière, un premier appel solennel a été lancé par le Conseil français du culte musulman (CFCM) et d’autres organisations pour accuser l’EI de pratiques barbares, de crimes contre l’humanité, d’actes terroristes, etc. et pour réitérer le droit des chrétiens d’Irak à vivre sur leur terre. L’Union des organisations islamiques de France (UOIF) ne s’était pas joint à cet appel, même si elle s’était par ailleurs déjà prononcée contre les agissements de l’EI.

Aujourd’hui, c’est chose faite, dix grandes institutions musulmanes dont des fédérations de mosquées et des associations de différentes obédiences se sont mises d’accord pour condamner les exactions commises par Daesh, demander une enquête sur les soutiens dont elle dispose et réitérer leur appel aux jeunes musulmans de France pour les dissuader d’aller combattre à ses côtés.

JOL Press : En quoi l’Etat Islamique et ses pratiques représentent-ils une perversion de l’islam ?
 

Sabrina Mervin : L’appel stipule bien que Daesh n’est  « ni un Etat, ni islamique », discours que reprennent aussi les acteurs politiques. D’où leur refus de l’appeler « Etat islamique », comme l’organisation se désigne aujourd’hui, et de rester à l’acronyme Daesh, qui est un raccourci, en arabe, pour « Etat islamique en Irak et au Levant ». 

L’Etat n’en est pas un, le calife est autoproclamé, et les pratiques d’extrême violence de l’organisation ne sont pas islamiques mais relèvent purement de la volonté de terroriser, d’impressionner. 

Il est évident que l’islam, tel qu’il est pratiqué par l’immense majorité des musulmans, n’a rien à voir avec ce que fait Daesh au nom de l’islam. 

Les autorités religieuses d’Arabie saoudite comme la Ligue Arabe l’ont proclamé, cette fois, haut et fort. 

Et puis surtout, il faut rappeler que sous des référents islamiques et un discours sur l’islam, se cache une organisation politique et militaire qui agit dans un contexte de désordre en Syrie et, d’une autre manière, en Irak. Dans ce contexte régional, pour certains, Daesh est un acteur fort, riche, qui gagne, et pour cela va susciter des adhésions – plutôt que parce qu’il prétend rétablir le califat ou faire appliquer la charia.

JOL Press : Est-ce que malgré tout, tout musulman, même s’il refuse les pratiques de l’Etat Islamique, n’a pas un attachement de principe à ce combat de Daesh pour l’islam ?
 

Sabrina Mervin : Il faut se méfier de ce type de déclaration généralisante. « Tout musulman », déjà, paraît curieux. Dirait-on  «  tout chrétien », « tout juif » ou « tout bouddhiste » ? 

Par ailleurs, les musulmans, de France comme d’ailleurs, sont informés et n’ignorent pas ce qu’est Daesh: une organisation très composite dont le combat a des enjeux politiques, économiques, etc. au moins autant qu’idéologico-religieux. Comme les autres spectateurs du drame qui se déroulent au Moyen-Orient, ils disposent d’éléments pour décrypter les informations.

JOL Press : Malgré cette politique des autorités musulmanes, de nombreux musulmans français partent mener le djihad en Irak ou en Syrie. Comment expliquer cette fracture entre les mosquées et les fidèles ?
 

Sabrina Mervin : Il ne s’agit pas d’une fracture entre les mosquées et les fidèles, mais entre l’immense majorité des musulmans et des individus qui se sont souvent radicalisés, voire convertis, sur Internet, hors des institutions musulmanes. Les ressorts de la fascination exercée par Daesh sur ces jeunes sont à étudier, mais ce n’est en tout cas pas « l’islam » qui est en jeu ici, même sous couvert de ce mot.
 

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

Quitter la version mobile