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Otages aux mains de l’Etat Islamique: ont-ils tous la même valeur?

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JOL Press : Ailleurs dans le monde, notamment au Sahel, un otage représente souvent une rançon. Cela ne semble pas être le cas avec l’Etat islamique qui n’hésite pas à exécuter ses otages sans contreparties. Pourquoi cette différence de traitement ?
 

Pierre Conesa : Nous parlons de deux contextes différents. Il existe bel et bien une industrie de l’enlèvement destinée à gagner de l’argent, certains pays acceptent de payer – directement ou indirectement, c’est le cas de la France – et d’autres pays refusent. La valeur des otages est donc différente.

Il y a ensuite une valeur symbolique. L’exécution d’un Vietnamien, par exemple, ne provoquera pas une mobilisation telle que l’exécution d’un Américain ou d’un Britannique ou encore d’un Français.

Avec l’Etat Islamique, nous ne sommes plus aujourd’hui dans un schéma de négociation économique mais dans un schéma classique de stratégie terroriste. Un acte odieux provoque une réaction, une répression qui provoque à son tour une mobilisation.

JOL Press : Lorsque certains otages sont exécutés par l’Etat islamique, d’autres sont maintenus en détention comme une sorte de trésor de guerre. Tous les otages n’ont donc pas tous la même valeur.
 

Pierre Conesa : Bien sûr, car encore une fois, le but recherché n’est pas économique mais stratégique. Sacrifier un Britannique, c’est rappeler que le Royaume-Uni a pris part à la coalition internationale d’agression contre Saddam Hussein  en 2002. Cette fois-ci David Cameron avait annoncé que son pays ne participerait peut être pas à la campagne de bombardement; maintenant il est « obligé » aux yeux de son opinion de répondre militairement.

C’est ce qui se produit. Parmi tous les membres de la Coalition, notamment présents lors de la Conférence internationale de Paris, lundi 15 septembre, seuls les pays occidentaux ont promis une réponse militaire à l’Etat islamique. Les Etats musulmans de la région, tels que la Jordanie ou l’Arabie Saoudite – pourtant largement responsable de la formation de l’EI –  ont quant à eux affirmé qu’ils acceptaient de soutenir une intervention mais qu’ils n’enverraient aucun homme à terre.

JOL Press : Peut-on aujourd’hui avoir une idée précise du nombre d’otages aux mains de l’Etat Islamique ?
 

Pierre Conesa : Il est difficile de faire un bilan très précis de cette situation. On sait que des Européens, des Turcs ont été enlevés. On sait aussi que des otages enlevés en Syrie se sont retrouvés en Irak. Seuls les pays qui recensent leurs ressortissants kidnappés peuvent donner une idée précise de leur propre bilan. Dans la globalité, il est actuellement impossible d’avoir une réelle vue d’ensemble de cette situation.

JOL Press : Lorsque l’on parle d’otages, on ne mentionne pas les femmes Yézidis qui ont été enlevées et gardées en captivité, et dont beaucoup sont devenues esclaves sexuelles aux mains de l’Etat Islamique. Comment définit-on alors un otage ?
 

Pierre Conesa : Dans la mesure où les Yézidis sont des Irakiens, on ne les considérera pas comme des otages dans le sens où nous entendons ce terme. Ces populations civiles massacrées entrent dans la catégorie du crime de guerre.

Dans la catégorie « otages », le rapport entre le kidnappeur et le kidnappé est culturellement différent tout comme l’auditoire auquel est dédié le message. En Occident, un massacre de Yézidis ne provoquera malheureusement aucune mobilisation. Mais si un journaliste américain est assassiné, les Etats-Unis se soulèveront pour venger ce ressortissant. 

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