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Arctique: la ruée vers l’or du Pôle Nord

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(Photo : Anastasios71/Shutterstock.com)

Pourquoi la Russie déploie-t-elle ses troupes en Arctique ?

Si le pôle Nord n’appartient pour le moment à aucun pays. Il est largement revendiqué par les nations voisines. La Russie n’a jamais caché sa convoitise et en 2001, la Russie a déposé une demande d’appropriation à la commission des Nations Unies. Bien qu’ayant été refusée, la Russie compte bien faire de l’Arctique un territoire russe.

Comme plusieurs pays membres de l’OTAN, la Russie renforce ses activités militaires sur place. Les autorités ont notamment lancé le réaménagement d’aérodromes, la construction de postes-frontière, l’installation de stations radars.

Des bases navales sont également en projet tandis que six bases militaires pourraient être aménagées sur place.

« Des bases militaires dans le Nord sont très commodes pour notre pays, parce que le trajectoire des missiles s’ils sont tirés contre l’Amérique, notre principal concurrent géopolitique, se raccourcit considérablement. Un autre atout – il ne faut pas demander l’autorisation des Etats limitrophes. Le plateau continental arctique se trouve sous notre juridiction, nous pouvons l’utiliser à notre gré », expliquait ainsi Oleg Matveïtchev, politologue et professeur de l’Ecole supérieure de l’économie à La Voix de la Russie.

De quand date la conquête du pôle nord ?

Longtemps considéré comme un territoire inadapté à la vie humaine, l’Arctique dévoile peu à peu ses attraits. Lorsque les explorations sur place se sont multipliées, les chercheurs ont découvert une terre aux ressources potentiellement intéressantes pour qui les posséderaient.

Au début du 20ème siècle, l’Arctique est devenue terre d’influence de tous les pays limitrophes. Ainsi, la Russie, les Etats-Unis, la Norvège, le Canada et le Danemark ont chacun pu bénéficier d’une zone de contrôle.

Désormais, chacun de ces pays tente d’élargir cette zone en prouvant son droit juridiquement et géographiquement.

La Russie cherche pour sa part à prolonger sa zone d’influence en apportant la preuve que la crête Lomonossov et le plateau Mendeleïev, qui se trouvent dans les fonds océaniques de l’Océan arctique, font géographiquement partie de ce territoire.

Quels intérêts poussent les pays à se lancer à la conquête de ce territoire ?

Les ressources minières et gazières qui se trouvent dans l’Arctique ne sont plus un secret pour personne. Pour Frédéric Lasserre, spécialiste de la géopolitique de l’Arctique et professeur à l’université Laval à Québec, il resterait 13% des ressources de pétrole et 30% des réserves de gaz à découvrir dans l’Arctique.

« La plupart des géologues s’accordent à dire qu’elles sont généralement près des côtes, à l’intérieur des zones économiques exclusives », expliquait-il à JOL Press.

« Dans des plateaux continentaux étendus au-delà des 200 miles marins, il y a peut-être des ressources, mais s’il y en a, elles ne le sont pas en grande quantité d’après ce que l’on connaît ».

Pourtant, explique encore cet expert, ce n’est pas l’aspect énergétique de l’Arctique qui poussent les pays concernés à se lancer dans la ruée vers l’or.

« S’ils déposent ces dossiers de demande d’extension de leur plateau continental, c’est pour deux raisons : d’abord, c’est une possibilité que leur offre la Convention sur le droit de la mer qu’ils ont ratifiée. Ensuite, c’est parce qu’il y a une date limite pour déposer ces demandes », explique Frédéric Lasserre. « Ce n’est pas une course contre les voisins, mais une course contre la montre ! À partir du moment où un État ratifie la Convention, il dispose de dix années pour déposer son dossier. C’est cela qui explique les démarches actuelles, plus que l’espoir de trouver des ressources dont l’exploration dans les zones économiques exclusives se révèle déjà extrêmement complexe et coûteuse ».

En quoi la fonte des glaces donne-t-elle un nouveau souffle aux ambitions territoriales des pays limitrophes ?

Dans les eaux du Grand Nord de l’Alaska, la banquise fon à un rythme record. L’année dernière, la fonte a même dépassé le niveau enregistré en 2007, marquant ainsi la plus grosse fonte des glaces de l’Arctique depuis que les scientifiques ont commencé à l’étudier par satellite en 1979. Selon le calcul des scientifiques, il s’agirait même de la fonte la plus importante dans l’histoire de l’humanité.

Si les écologistes y voient une catastrophe naturelle, d’autres trouvent ici une véritable aubaine. C’est le cas des compagnies pétrolières. Pour la Royal Dutch Shell tout comme d’autres compagnies, cette fonte des glaces permet d’ouvrir les voies navigables autrefois bloquées par la glace, dont les grosses compagnies pétrolières auront besoin pour installer des plates-formes de forage et des aires de transit pour tirer le gaz brut et naturel situé dans les fonds marins.

Cette concurrence pourrait-elle mener à une véritable guerre ?

Bien que l’Arctique résonne de bruits de bottes, la revendication de l’Arctique reste relativement « symbolique » pour Frédéric Lasserre. « Je ne pense pas que les États s’engageront dans une querelle autre que rhétorique concernant le contrôle du pôle Nord », estime-t-il.

« Ce qui est aujourd’hui plus intéressant, c’est le statut de la ‘dorsale de Lomonossov’ », explique encore le spécialiste. « Cette chaîne de montagnes sous-marines qui se trouve environ à 80 ou 100 kilomètres à l’ouest du pôle Nord pourrait potentiellement être plus intéressante que le Pôle Nord, pour le Canada, le Danemark ou la Russie. On ne sait pas encore bien si c’est le prolongement de la plaque eurasienne ou de la plaque nord-américaine », indique-t-il.

Toutefois, si une guerre n’éclate pas, les pays n’hésitent pas à faire usage de la force pour montrer leur position. Récemment, alors que le Canada a lui aussi lancé une démarche de reconnaissance de sa souveraineté sur une partie de l’océan, la Russie a fait voler un de ses bombardiers tout près de l’espace aérien canadien. Immédiatement, le Canada a envoyé deux chasseurs mettre en garde l’avion russe.

Les Canadiens, également intéressés par les ressources cachées en Arctique, cherche aussi à construire une base militaire sur place.

Face à la concurrence, la Russie veut se montrer raisonnable. « Nous ne voulons pas que l’Arctique devienne une zone de conflits », déclarait ainsi récemment Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères.

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