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Un agent de la DGSE chez al-Qaïda, un cas inédit?

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(Photo : Oleg Zabielin/Shutterstock.com)

La nouvelle n’aura pas mis longtemps à être démentie par les autorités françaises. Non, le Français ayant réussi à échapper aux récentes frappes américaines en Irak ne serait pas un ancien agent de la DGSE passé à Al-Qaïda.

Ni un agent de la DGSE, ni un militaire

McClatchy, troisième groupe de presse américain, avait révélé cette information sur son site Internet, annonçant même que ce Français, expert en explosif, tiendrait aujourd’hui un rôle très important au sein de la nébuleuse terroriste.

Contactées par Le Monde, les autorités françaises ont immédiatement affirmé qu’aucun Français ne correspondrait à la description qu’a bien voulu en faire le groupe de presse.

« Ce Français existe mais ce n’est ni un ancien des services secrets ni même un militaire », a ainsi déclaré un membre du ministère de la Défense au journal Le Monde. « A notre connaissance, il se serait juste entraîné physiquement avec d’anciens membres de l’armée française », a encore ajouté cette source.

Confondu avec Salim Benghalem ?

Pour Alain Rodier, ancien officier supérieur des services de renseignement français et directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement, les Américains auraient en effet été trop rapides en besogne.

« Il semble que les journalistes américains, qui voulaient réaliser un ‘scoop’ ont confondu le cas de Salim Benghalem désigné depuis le 25 septembre par le Département d’Etat comme un des sept terroristes les plus recherchés », confie-t-il à JOL Press.

Désormais bien connu, « cet ancien voyou français aurait rejoint le nord d’Alep en 2013. Les Américains le désignent comme un bourreau de l’Etat Islamique », explique Alain Rodier.

« En France, il avait été condamné en 2007 à 11 ans de prison pour tentative de meurtre. Il est sorti en 2010, après avoir effectué quatre ans en détention préventive. Il se serait converti à l’islam radical en prison », ajoute encore cet ancien agent des renseignements.

Les cas sont fréquents depuis la Seconde Guerre mondiale

Toutefois, si ce djihadiste Français a visiblement été imaginé, « le cas d’anciens militaires ayant rejoint des théâtres de guerre est commun depuis la Seconde Guerre mondiale », explique Alain Rodier.

S’il est difficile d’établir un inventaire précis de ces défections, le cas Ukrainien est emblématique et d’anciens militaires œuvrent aujourd’hui dans les deux camps.

« Dans le cas de l’islam radical, quelques anciens hommes du rang ont rejoint certains groupes comme Lionel Dumont du gang de Roubaix », rappelle ce spécialiste.

Le cas de Lionel Dumont

Originaire du nord de la France, Lionel Dumont se convertit à l’islam à l’âge de 20 ans. Il s’engage ensuite au 4ème régiment d’infanterie de marine et participe à l’opération française « Oryx » dans le cadre de l’intervention internationale de l’ONU en 1992.

A son retour en France, il se lie d’amitié avec d’autres musulmans qui, comme lui, fréquentent la mosquée de Daawa, à Roubaix. Ensemble, ils formeront le « Gang de Roubaix ».

Après avoir entendu parler du massacre des musulmans en Bosnie, les membres du Gang de Roubaix se décident à partir et rejoignent des moudjahidin dans la région de Zenica, en pleine guerre.

Entrer dans « l’armée adverse »

Plus récemment, en avril dernier, Le Figaro relayait une vidéo publiée sur YouTube et racontant l’histoire d’un ancien militaire français engagé au sein d’un régiment d’infanterie parachutiste et désormais acquis à la cause djihadiste.

Au cours de cette vidéo, l’ancien militaire français évoque ce qu’il appelle une « transformation ». Cet homme, dont l’identité n’a pas été révélée, avoue avoir et « bien » dans l’armée « et avoir gagné de l’argent ».
« Un jour je me suis réveillé avec envie de partir, j’ai fait des recherches sur l’islam », explique-t-il au cours de cette vidéo. Deux semaines plus tard seulement, il « désavoue cette armée » pour « l’armée adverse ».

Le cas serait inédit depuis la guerre d’Algérie

Vraie ou fausse, l’information révélée par le groupe de presse McClatchy a en tout cas permis de semer le doute en haut lieu.

Pour Alain Chouet, ancien chef de porte de la DGSE à Damas, interrogé par Metro, « le problème de ce genre d’information, en imaginant qu’elle soit avérée, c’est que cela ne sert à rien de démentir. Les démentis ne sont jamais crus », explique-t-il.

 « J’ai plutôt tendance à envisager une manipulation de propagande comme à l’EI à l’habitude de le faire. Le groupe est en effet passé maître dans l’art de manipuler l’Internet pour jeter la zizanie chez ses adversaires, distiller le doute dans l’opinion publique, et démontrer qu’ils ont des partisans en Occident ».

Pour cet expert, la présence d’un ancien agent de la DGSE dans les rangs des combattants islamistes est donc peu probable et le cas serait d’ailleurs inédit.

« Un certain nombre d’agents ont été affectés au soutien des rebelles syriens modérés. Il y en a toujours un qui peut avoir pété les plombs avant de passer à l’adversaire. Ce serait une première depuis la guerre d’Algérie », confie-t-il au journal Metro.

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