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Ce que l’arrivée des Peshmergas change à Kobané

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Les Peshmergas sont arrivés depuis plusieurs jours à Kobané, dans le nord de la Syrie. Peut-on déjà dire que leur présence sur place a changé la donne ?
 

Hasni Abidi : On ne peut pas parler d’un tournant militaire, mais il y a évidemment un début de changement qui s’opère à la fois sur le plan militaire et sur le pan politique. C’est d’ailleurs un tournant politique qui était vraiment important et demandé, davantage qu’un tournant militaire. Car personne ne s’attendait réellement à ce que Kobané soit libérée dès le lendemain de l’arrivée des soldats kurdes.

Ce qui est aujourd’hui nouveau et  important, c’est que le déploiement de ces Peshmergas est le résultat d’un arrangement politique qui sauve la face d’une Turquie accusée de laxisme et bienveillance à l’égard des jihadistes. En effet, l’ouverture de ses frontières à ces soldats kurdes irakiens est une forme d’intervention, par défaut, d’Ankara. 

Politiquement, quelles seront les conséquences de cette démarche turque ?
 

Hasni Abidi : L’arrivée des Peshmergas est une solution qui ne déplait pas à Ankara. En effet, le gouvernement régional du Kurdistan, dirigé par Massoud Barzani entretient de très bonnes relations avec Recep Tayyip Erdogan. Aujourd’hui, on peut presque dire que la Turquie sous-traite les Peshmergas pour agir en Syrie, à Kobané.

Cette bonne entente entre le Kurdistan irakien et la Turquie n’est pas nouvelle. En Irak et même en Turquie, le Kurdistan est présenté par Ankara comme un modèle réussi et Massoud Barzani, est accueilli comme un chef d’Etat lorsqu’il vient en Turquie.

Le président turc sait donc qu’en envoyant des Peshmergas, il a toutes les assurances de Massoud Barzani et il sait également qu’il vaut mieux parier sur les Peshmergas que sur les forces kurdes syriennes du Parti libéral syrien qui, eux, ont des visées autonomistes et indépendantistes potentiellement dérangeantes pour Ankara ce qui réjouis de Damas, selon Erdogan. 

A Kobané, d’un point de vue militaire, doit-on s’attendre un changement ?
 

Hasni Abidi : Pour la première fois, des Peshmergas alliés aux forces du Parti libéral syrien et à l’Armée syrienne libre combattent ensemble contre l’Etat Islamique. Deux forces politiques importantes, les Peshmergas et l’Armée syrienne libre qui a son quartier général à Istanbul, ont tout l’appui d’Ankara.

Les Peshmergas sont des hommes aguerris, même s’ils n’ont pas mené de guerre depuis des années. Ils ont cependant une expertise militaire qui leur servira dans la guerre contre l’Etat Islamique qui n’est pas une guerre classique. Les Peshmergas ont une bonne connaissance de la guérilla et c’est ce qui manquait aux forces kurdes de Kobané.

Le changement politique est important mais nous assistons donc aussi à un début de changement sur le plan militaire, notamment parce que de nouvelles armes arrivent.

Enfin, il y a également un véritable appel d’air. L’arrivée des Peshmergas pourrait sans doute amener d’autres forces à s’engager pour sauver Kobané.

Que faut-il aujourd’hui aux forces présentes à Kobané pour se libérer définitivement de l’Etat Islamique ?
 

Hasni AbidiKobané n’a pas été prise du jour au lendemain par l’Etat Islamique et il en sera de même pour sa libération.

Une chose est sûre, la guerre de Kobané ne pourra pas être gagnée par des frappes aériennes.  L’envoi de ces Peshmergas montre d’ailleurs un changement de la part de la coalition. La guerre de Kobané sera gagnée sur le terrain et c’est pour cela qu’il faut absolument réfléchir à un engagement militaire au sol. Sans oublier que la guerre contre l’EI passe nécessairement pas une solution à la crise syrienne et irakienne. 

Désormais, de nombreux autres changements sont attendus, à commencer par une livraison d’armes prévue, en provenance de l’Irak, pour Kobané via le Kurdistan. Inédit. 

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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