Site icon La Revue Internationale

La livre turque en mauvaise passe

Des difficultés pour la devise turque

C’est la dégringolade pour la livre turque (turkish lira ou TL). La devise turque est tombée la semaine dernière jusqu’à 2,78 TL pour un dollar, son plus bas niveau historique, ce qui a contraint la banque centrale à sortir de son silence. Le 22 avril, lors de sa réunion mensuelle, la banque centrale de Turquie déclaré qu’elle comptait ne pas faire évoluer les taux d’intérêt pour favoriser la rétribution des dépôts en livres turques, au détriment de ceux effectués en devises. Cette mesure n’avait pas suffi à les rassurer les marchés, et pour la sixième journée consécutive, la livre a plongé.

« Avec la baisse récente des incertitudes et l’amélioration des principaux indicateurs de risque, les taux d’intérêt sur les marchés ont baissé sur toutes les échéances « , a-t-elle souligné. Elle a donc décidé de réduire légèrement son principal taux directeur malgré une inflation qui reste élevée dans le pays. Le ministre de l’Economie Nihat Zeybekci a affiché son optimisme, qualifiant les fluctuations de la livre de « simplement naturelles, pas inquiétantes ». Il a également appelé à ce que la banque centrale de poursuivre la baisse des taux. « Nous avons déjà perdu beaucoup de temps avant d’abaisser les taux d’intérêt », a-t-il précisé a l’agence de presse gouvernementale Anatolie, « maintenir des taux d’intérêt élevés pour rassurer [les marchés] est sans objet ».

Les analystes ont jugé inévitable un nouvel affaiblissement de la monnaie turque, considérant que l’organisme se contentant d’une série de mesures techniques sans réelle portée. Ils attendaient en effet qu’elle remonte ses taux d’intérêt pour soutenir la livre. Les marchés attendaient une action décisive de la Banque centrale mais sa prise de parti modérée ont confirmé les pronostics qui tablent sur une nouvelle hausse du dollar – la banque centrale américaine (Fed) mène en effet en ce moment une politique assez agressive, profitant de l’indexation haute du dollar.

La monnaie turque a également subi vendredi un fort recul face à l’euro, tombant à 2,76. Elle est toutefois encore très loin de l’abîme historique atteint en janvier 2014 – soit 3,27 TL pour un Euro. Ce véritable naufrage avait eu lieu en plein scandale de corruption, plombant le gouvernement. Cet exemple est d’ailleurs éloquent. On voit à quel point la monnaie turque est intimement connectée au contexte politique du pays. Le parti islamo-conservateur au pouvoir (AKP) étant très directif, ses actions sont passés au crible, et ses faux pas affolent presque systématiquement la bourse.

Après avoir eu le vent en poupe durant des années (croissance à plus de 8% en 2010 et 2011) l’économie turque connaît un léger ralentissement (elle est retombée à 2,9% en 2014 alors que le gouvernement misait sûr + 3,3 %). Le chômage a par ailleurs atteint 11,3% en janvier, son plus haut niveau depuis cinq ans. Ces résultats divisent les forces au pouvoir, ce qui se sera pas sans incidence.

Les marchés méfiants face à des divisons au sein de l’AKP

Les marchés s’inquiètent notamment des résultats des législatives de juin. Les analystes s’inquiètent notamment des pressions répétées du président Recep Tayyip Erdogan sur le vice-premier ministre Ali Babacan. Ce dernier est le principal cerveau derrière la politique économique du pays. Il est aux commandes depuis l’arrivée au pouvoir, en 2002, du Parti de la justice et du développement (AKP), et bénéficie d’une réputation très favorable dans les milieux financiers. Lui et Erdem Basci, le gouverneur de la banque centrale turque, tentent de ralentir la baisse tout azimuts des taux d’intérêt tant que l’inflation dans le pays n’est pas stabilisée (+ 8,17 % en moyenne annuelle pour 2014). Les deux hommes sont dans le collimateur du président Erdogan pour lui tenir tête régulièrement, et leur avenir au sein des institutions turques n’est de ce fait pas assuré.

Après avoir eu le vent en poupe durant des années (croissance à plus de 8% en 2010 et 2011) l’économie turque connaît un léger ralentissement (elle est retombée à 2,9% en 2014 alors que le gouvernement misait sûr + 3,3 %). Le chômage a par ailleurs atteint 11,3% en janvier, son plus haut niveau depuis cinq ans. Erdogan, est en faveur d’une baisse drastique des taux d’intérêt pour relancer la croissance en berne de l’économie dans la perspective des législatives de juin. La plupart des sociétés de sondages (Gezici, Metropoll et Andy-Ar) prévoient un déclin substantiel du soutien exprimé à l’égard de l’AKP (le parti aurait aujourd’hui entre 39 % et 43 % des suffrages, loin des 49,8 % obtenus en 2011). Mais il se heure aux deux premiers hommes de l’économie turque – qu’il a par ailleurs accusé de représenter l’intérêt des marchés plutôt que ceux de leur pays lors d’un coup de sang. Ce sont néanmoins les partisans de la relance qui semblent remporter le bras de fer en Turquie, d’où cette relative défiance des marchés.

 

Quitter la version mobile