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Russie : journées sombres pour l’opposition

Le Parti du Progrès, dirigé par l’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, a été retiré de la liste des partis autorisés en Russie. Cette décision du ministère russe de la Justice intervient dix jours après la formation d’une alliance électorale regroupant plusieurs partis de l’opposition. Le ministère a indiqué dans un communiqué qu’il reproche au Parti du Progrès de ne pas avoir respecté la loi russe. Le principal parti d’opposition, fondé en février 2014, avait l’obligation d’enregistrer sous six mois auprès des autorités ses antennes, obligatoirement établies dans au moins la moitié des 85 entités territoriales de la Fédération de Russie. Or, seules 16 de ses antennes ont fait l’objet d’une inscription dans les délais impartis, 25 l’ont été avec retard.

La coalition d’opposition formée en vue des élections législatives de 2016 regroupe sept formations politiques, dont le Parti du progrès et le mouvement Open Russia de l’ex-oligarque et dissident russe Mikhaïl Khodorkovski. Cette alliance a annoncé vouloir se présenter en septembre aux élections locales à Novossibirsk (Sibérie), Kalouga (sud de Moscou) et Kostroma (nord de Moscou). Les deux partis avaient affirmé qu’ils formaient « une plate-forme commune qui rejette les mensonges, la corruption et l’agression », dans un communiqué. Les partis cosignataires y ont accusé les autorités d’avoir, sous Vladimir Poutine, mis en place un système autoritaire qui a anéanti l’opposition, détruit l’économie et plongé la Russie dans un conflit avec l’Ukraine.

« Nous venons de lire sur le site du ministère de la justice que le Parti du progrès a été liquidé, mais sans décision du tribunal », déclarait son dirigeant, Alexeï Navalny, sur les ondes de la radio Ekho Moskvy. « Ils nous ont tout simplement pris et retirés de la liste. Nous allons faire appel de cette décision, dans les tribunaux russes et à la Cour européenne des droits de l’homme. » Cet avocat et blogueur influent s’est imposé comme l’un des chefs de file de l’opposition au président russe, Vladimir Poutine – spécialement après le meurtre en pleine rue d’une des figures de proue de l’opposition, Boris Nemtsov. Ancien vice-Premier ministre et opposant de Vladimir Poutine, Boris Nemtsov a été abattu dans la nuit du 27 au 28 février en plein centre de Moscou, au pied du Kremlin, alors qu’il rentrait chez lui avec sa compagne.

Le 16 avril, alors que le président russe Vladimir Poutine affirmait à la télévision que « l’opposition a le droit et la possibilité de participer à la vie politique du pays », des policiers armés ont fouillé les locaux d’Open Russia et emporté entre autres leurs ordinateurs. Le lendemain, c’était au tour de l’appartement de Natalia Pelevina, militante du parti RPR-Parnas codirigé par Boris Nemtsov, d’être perquisitionné. « Depuis peu, ils ne visent plus seulement des opposants connus mais aussi de simples militants », s’était-elle indignée auprès de l’AFP à l’époque. « Ils veulent nous terroriser, nous forcer à abandonner la lutte. »

« Nos plans restent les mêmes : la récente Coalition démocratique va se présenter aux élections dès 2015, en nous appuyant sur le parti RPR-Parnas « , toujours autorisé en Russie, a expliqué M. Navalny. « Ce genre de parti semble bien trop dangereux au Kremlin et c’est pourquoi il souhaite nous liquider et envoyer ainsi le signal suivant à tous : ne vous approchez pas de ces radicaux. »

Ça n’est pas la première fois que Moscou a tenté de museler Alexeï Navalny. Il avait déjà été brièvement arrêté en décembre dernier alors qu’il se rendait à la manifestation organisée par ses partisans près du Kremlin. Ils protestaient contre la condamnation dont lui et son frère ont fait l’objet au terme d’un procès critiqué par la communauté internationale. Assigné à résidence depuis février, il lui était interdit de quitter son domicile et il risquait fort de rejoindre son frère, condamné dans la matinée à une peine de prison ferme. « Contre notre stratégie, ils élaborent la leur, qui se fonde sur la peur, la division, la corruption. Nous nous y attendons vraiment », peut-on lire sur son blog. « Le futur de l’opposition ne dépend pas d’elle, mais du Kremlin », souligne l’expert Julius Freytag. « S’il décide de lancer une nouvelle vague de répression, alors elle n’aura plus le choix et devra s’exiler ».

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