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Moldavie : Europe ou Russie, l’impossible choix ?

Cette république, située entre l’Ukraine et la Roumanie, est confrontée à un dilemme. Comme son voisin ukrainien à l’époque, La Moldavie doit se prononcer dans un choix cornélien entre son passé (le bloc soviétique) à l’heure où le Président Russe Vladimir Poutine essaie de reconstruire une identité « slave » autour de l’idée de Novorossia (nouvelle Russie), et un avenir incertain avec l’Union Européenne (UE). La Russie, qui voit sa mainmise sur la région se déliter, notamment à cause des accords commerciaux et les promesses d’intégrations de l’UE, a imposé un embargo sur les produits d’exploitation moldaves, et la pays tend aujourd’hui la main à l’Europe.

En Juillet 2014, la Russie a instauré un embargo sur les importations des produits alimentaires et les boissons alcoolisées  en provenance de Moldavie en mettant en cause leur qualité – accusations vigoureusement récusées par les autorités sanitaires moldaves. La décision de Moscou a été prise alors que la Moldavie négociait avec l’Union européenne, un accord de partenariat conclu depuis. Il ne fait aucun doute qu’il s’agissait de représailles, le Kremlin voulant dissuader les autorités moldaves de prendre le chemin de l’Europe. L’économie moldave a connu de grandes difficultés et à du faire un effort herculéen afin de s’adapter. Avant l’embargo, la Russie était le principal client  du pays, rachetant par exemple plus de 90% de sa production de pommes et 80% de ses prunes.

En ces temps difficiles, le pays est forcé de s’adapter. L’échange de terres entre la Moldavie et l’Ukraine en marge du Traité frontalier moldo-ukrainien du 23 octobre 1992 a permis d’ajuster le tracé de la frontière entre les deux pays. Les frontières imposées par l’URSS rendaient l’exploitation des richesses de la zone frontalière par chaque pays très compliquée. Cet accord est le premier élément, qui vingt ans plus tard, a permis de sortir le pays de sa dépendance vis-à-vis de la Russie en offrant aux moldaves, à Giurgiulesti, un port sur les rives du Danube. Le fret maritime étant sensiblement moins onéreux que le fret routier, le pays le plus pauvre d’Europe est ainsi sorti de l’impasse.

L’acheminement des produits moldaves vers la Mer Noire, a ainsi permis un désenclavement du pays vers les marchés mondiaux. et a entraîné une forte augmentation des exportations – notamment de vin – en containers vers de nouveaux marchés comme les Etats-Unis ou la Chine. “Toutes nos exportations de céréales, de fruits, de bétail vont maintenant être embarquées depuis notre nouveau port de Giurgiulesti sur le Danube”, d’après le ministre moldave de l’agriculture Ion Sula. Si le fleuve a permis de trouver de nouveaux débouchés, la Moldavie espère aussi pouvoir faire progresser son économie en bénéficiant d’un accès accru marché Européen.

La ministre des Affaires étrangères, Natalia Gherman, dans une interview donnée en Avril dernier à l’AFP, appelait de tous ses souhaits « un accord au niveau de l’UE sur la perspective d’intégration de la Moldavie. » Elle ajoutait qu’il était  » aujourd’hui plus important que jamais [du fait de] la situation régionale tendue. » « Nous pensons que l’UE doit montrer maintenant aux partenaires de l’est tout son soutien et sa coopération. » En effet, en ayant fait le choix de se tourner vers l’UE, le pays a été sévèrement sanctionné par la Russie. Plutôt que de faire marche arrière, et subir le dictat économique du lion russe, le président Nicolae Timofti a fait le pari du rapprochement avec l’Europe. La Moldavie a ainsi plus que jamais besoin du soutien européen, encore sous la sourde menace de Moscou. L’an dernier déjà; le président moldave Nicolae Timofti s’est inquiété d’une répétition du scénario qui a permis en trois semaines le rattachement de la Crimée à la Russie, après des manœuvres maousses de troupes russes à sa frontière.

La Moldavie, ex-république soviétique de 3,5 millions d’habitants, compte aussi une importante minorité russophone. Il y a dans ce pays deux forces politiques principales : les libéraux pro-européens, et les socialistes pro-russe. Or ces derniers sont arrivés en tête des suffrages lors des législatives – bien que la coalition des pro-européens l’ait finalement remporté en se regroupant. L’attachement à la Russie, et l’identité marqué par celle-ci, sont deux composantes majeures de la Moldavie. Aussi, si la situation n’avance pas, il est probable qu’un grand nombre d’électeur, lassés par les minauderies européennes alors qu’ils ont couru le risque du courroux du Kremlin, retournent leur veste,et fassent cap à l’est.

L’arrivée d’un Français – Stéphane Bridé, ex-auditeur de chez Ernst&Young, marié à une Moldave et naturalisé – au double poste vice-Premier ministre et Ministre des finances semble être un pas dans le bon sens. Le pays a besoin de réformes en profondeur pour relancer l’appareil économique un rien obsolète, et il pourrait prouver à la population que l’Europe est source de nombreux bénéfices. Ces bénéfices favoriseraient la réunification du pays autour d’un projet et d’une identité tournée vers l’avenir. Reste à savoir si Bruxelles  saura tendre la main à temps. 

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