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Le nouveau canal de Suez : un symbole de l’amitié franco-égyptienne

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Les travaux de construction du Nouveau canal de Suez, un projet visant à doubler les dimensions du canal original, ont pris fin au début du mois d’août. Pour l’Egypte, c’est un triomphe. Les travaux vont permettre le passage de navires dans les deux sens. Le projet accroîtra la capacité du canal de 49 à 97 navires par jour. Les autorités souhaitent également développer la zone qui borde le canal pour en faire une plateforme industrielle et commerciale, avec plusieurs ports et un centre de services pour les flottes commerciales. Ces dernières années, avec l’augmentation du trafic, le canal est devenu la troisième source en devises de l’Égypte. Le Nouveau Canal de Suez devrait tripler les revenus annuels issus de son exploitation et porter l’élan des investissements nationaux et étrangers.

Déclarée fête nationale, la journée de l’inauguration de ce gigantesque projet, le 6 août dernier, vient couronner une année de travaux acharnés. Massivement soutenu par la population égyptienne, le Président al-Sissi a rendu ce jour férié afin que chaque égyptien puisse suivre la cérémonie en direct à la télévision officielle. Des festivités qui, en plus de souligner le rebond économique égyptien, célèbrent la relation privilégiée qu’entretiennent l’Egypte et la France, symbolisées depuis l’antiquité par le Canal de Suez.

Entre l’Egypte et la France, le canal de Suez balance

« Je suis un Perse. En dehors de la Perse, j’ai conquis l’Égypte. J’ai ordonné ce canal creusé depuis la rivière appelée Nil qui coule en Égypte à la mer qui commence en Perse. Quand ce canal a été creusé comme je l’ai ordonné, des bateaux sont allés de l’Égypte jusqu’en Perse, comme je l’avais voulu. » Le canal de Suez n’est pas la moindre des fiertés pour l’orgueilleux Darius 1er (dit le Grand), roi bâtisseur et conquérant, premier à réaliser un projet de canal orienté d’ouest en est à travers le Wadi Tumilat.

Relier la mer Méditerranée à la péninsule arabe – et par la même occasion l’océan Indien – en perçant l’isthme de Suez est une idée qui remonte en effet à la plus haute antiquité. Un bas-relief égyptien, daté des environs de 1300 av. J.-C., montre Séthi Ier, un pharaon de la XIXe dynastie, longeant un embryon de canal tracé entre le Nil et la mer Rouge. Le canal de Darius est détruit vers 640 par le calife Al-Mansur, et il faut attendre 1798, lorsque les troupes françaises débarquent en Égypte sous le commandement de Napoléon Bonaparte, pour que l’idée d’un percement de l’isthme de Suez émerge à nouveau.

Le relevé conclut à l’époque à l’impossibilité de l’entreprise en raison d’une trop grande dénivellation entre la mer Méditerranée et la mer Rouge. Ce sera finalement un ingénieur français originaire de Lorient et installé en Égypte, Louis Linant de Bellefonds, qui va mettre ce projet au point. Entre 1859 et 1869, il remet à Ferdinand de Lesseps un dossier complet avec plans et devis qui servira de base à la percée du canal. Près de 150 ans plus tard, alors que le nouveau Canal de Suez vient d’être d’inauguré, les relations entre la France et l’Egypte semblent toujours au beau fixe.

La conception, la scénographie et la réalisation de la cérémonie d’inauguration, retransmise dans le monde entier, ont en effet été confiées par l’Autorité du Canal de Suez à une entreprise française, Agence Publics. Celle-ci a impliqué pas moins de 280 professionnels venus de France, plus de 1000 collaborateurs égyptiens, et plus de 100 tonnes de matériel acheminé depuis la France.

Des festivités pharaoniques donc, auxquelles ont assisté les chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que de hauts dignitaires, de 70 pays, dont le Président français François Hollande, le Premier ministre russe Dimitri Medvedev, le Premier ministre grec Alexis Tsipras, ainsi que des ministres de premier plan représentant par exemple la Chine, l’Inde, le Royaume-Uni, ou encore l’Italie. Des représentants de la société égyptienne dans toute sa diversité étaient également présents, y compris le Grand imam de la Mosqué Al-Azhar et le Pape de l’Église copte, assis l’un à coté de l’autre, illustrant le caractère national de ce projet.

Pour le président d’Agence publics, Gérard Askinazi, « la mission et le défi étaient d’associer harmonieusement le savoir-faire français en matière d’évènement au potentiel, au dévouement et à la fierté des collaborateurs égyptiens. L’Egypte a su faire vibrer le monde autour de cette nouvelle voie maritime et des enjeux considérables qui s’y attachent. Le souhait était à la fois celui de la solennité et d’une réelle émotion identitaire égyptienne. C’est cette combinaison de créativité et de savoir-faire que les autorités égyptiennes ont recherché chez les équipes d’Agence Publics et leurs partenaires français. » Financé et construit par l’Egypte et sa force ouvrière, l’inauguration du nouveau canal de Suez par la France a en effet pris la forme d’un hommage aux partenariats commerciaux florissants qui unissent les deux pays aujourd’hui.

5,2 milliards d’euros de contrat entre la France et l’Egypte en 2015

Rien qu’en 2014, les deux pays ont signé pour 5,2 milliards d’euros de contrat, soit 24 Rafale, une frégate FREMM et des missiles de courte et moyenne portée, vendus à l’Egypte par la France. Aujourd’hui, le rapprochement des deux puissances semble s’approfondir alors que l’Égypte est devenu l’un des meilleurs clients du groupe français DCNS. Ceci après avoir également acheté en 2015 quatre petites corvettes Gowind, pour un total d’un milliard d’euros.

Face aux offensives de l’Etat islamique sur sa frontière avec la Libye et dans le désert du Sinaï, le gouvernement égyptien a décidé, à l’automne 2014, de renforcer son armement. En se tournant vers la France plutôt que vers les Américains, al-Sissi a montré qu’il était prêt à pleinement collaborer avec Paris. Les négociations ont a d’ailleurs abouti en un temps record : à peine cinq mois. En marge de cet approfondissement de leur partenariat stratégique, le Caire est également candidat au rachat des deux navires de guerre Mistral construits par la France pour la Russie, aux côtés de l’Arabie Saoudite.

Lors de l’inauguration du nouveau canal de Suez, au sein de la parade navale, figurait en bonne place la frégate FREMM vendue par la France. Les Rafales récemment livrés ont pu ensuite survoler le Canal, avant que d’autres avions militaires ne dessinent dans le ciel un coeur aux couleurs du drapeau égyptien. La place centrale réservée à l’hexagone lors de ces cérémonies en dit long. Quarante ans après la guerre d’octobre 1956, au cours de laquelle Israël, la France et la Grande-Bretagne ont tenté de récupérer le canal de Suez nationalisé par Nasser, l’inauguration du nouveau canal de Suez prouve que l’Egypte et la France sont au seuil d’une nouvelle étape politico-stratégique, mais également commerciale, prometteuse pour les deux pays.

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