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2015, année noire pour le Brésil

D’après les données publiées vendredi par l’IGBE, l’institut brésilien de la statistique, l’économie du pays s’enfonce dans la crise, avec une nouvelle entrée en récession. Le PIB s’est contracté de 1,9 % au deuxième trimestre, après une baisse de 0,7 % au premier. Sur un an, la contraction de l’économie atteint 1,2 % et même 2,1 % au premier semestre par rapport aux six premiers mois de 2014. En faisant passer le taux à 14 % partant d’un taux de 10 % début 2014, la banque centrale accentue un signal désastreux pour l’investissement et la consommation. Tous les signaux sont au rouge. Au deuxième trimestre, l’investissement a chuté de 8,1 %, marquant le huitième trimestre consécutif de baisse. La consommation des ménages a diminué de 2,1 % d’un trimestre à l’autre, sur fond de montée de chômage (autour de 7 %) qui atteint son plus haut niveau depuis cinq ans. Les recettes fiscales ont déjà plongé de 3 % cette année, ce qui creuse le déficit budgétaire (8 % du PIB), car, dans le même temps, le gouvernement n’a pas réduit les dépenses publiques.

Comme la plupart des pays émergents exportateurs de matières premières, le Brésil souffre notamment de la chute des cours sur les marchés mondiaux. Le pays a profité des années de hausse du prix de ses matières premières (soja, pétrole, minerais de fer) sans réinvestir la manne ainsi collectée dans les infrastructures et l’industrie. La tonne de sucre, dont le Brésil est le premier producteur et exportateur mondial, a fondu de moitié depuis 2011, pour retrouver ses niveaux de 2008. Les cours du soja, dont le Brésil est également un des champions mondiaux, ont suivi la même courbe. Pour ces marchés, le ralentissement de la Chine, qui est le premier partenaire commercial du Brésil, contribue à la surabondance de l’offre et donc à la déprime des cours. Les autres secteurs ne se portent pas mieux : les constructeurs automobiles ont multiplié les arrêts de travail dans leurs usines, et les conflits sociaux sont de plus en plus nombreux.

L’an dernier, à pareille époque, les autorités avaient déjà annoncé une récession pour le premier semestre. Mais la situation a empiré depuis, avec une contraction de l’activité plus importante encore que celle qui était anticipée par les analystes. Lâchée par ses anciens alliés politiques, contestée par les milieux d’affaires et huée dans la rue par les conservateurs et les déçus du Parti des travailleurs (PT) auquel elle appartient, la présidente Dilma Rousseff est au cœur de la tempête. Pour couronner le tout, plombé par l’affaire Petrobras – le scandale de corruption qui touche l’entreprise pétrolière et qui se rapproche dangereusement de la présidente – le gouvernement bat déjà des records d’impopularité. La compagnie publique pétrolière qui a officiellement perdu l’équivalent d’1,5 milliard d’euros a déclenché une onde de choc qui a désorganisé l’économie, déjà en perte de vitesse. D’après les déclarations d’un suspect clé, des pots-de-vin auraient servi à financer sa campagne électorale de 2014. La popularité de la présidente brésilienne Dilma Rousseff est tombée sous la barre des 10 % ces dernières semaines.

C’est dans ce climat tendu qu’intervient la décision du président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, qui a annoncé qu’il passait dans l’opposition et a demandé à son parti de centre droit, le PMDB, de faire pareil. Si son parti s’exécute, la coalition gouvernementale volera en éclat car Dilma Rousseff n’aura plus de majorité au Congrès. Depuis un certain temps déjà, l’évangéliste conservateur est pratiquement en guerre ouverte avec la présidente. Leur conflit s’est récemment cristallisé autour d’un projet de loi qui veut abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans, une initiative combattue par Dilma Rousseff. En parallèle, depuis quelques semaines, les manifestations se multiplient pour protester contre la politique d’austérité du gouvernement. Dans cette ambiance, le ministre des Finances, Joaquim Levy, a eu beaucoup de mal à faire passer son plan d’austérité au Congrès. Seule solution à court terme : la hausse des impôts, qui risque d’aggraver son impopularité.

2015  promet d’être une année sombre pour le brésil. Pourtant, il y a encore cinq ans, le Brésil était une valeur sure chez des investisseurs, présenté comme un modèle pour les pays émergents. En 2010, le pays affichait 7,5 % de croissance. Mais depuis, l’économie brésilienne n’a fait que décélérer. Au point que certains économistes n’hésitent pas à parler de « la fin d’un modèle », marqué par la corruption et l’endettement facile, avec une industrie déficiente favorisant le recours aux importations et des infrastructures insuffisantes, notamment dans les transports, pour répondre aux besoins du pays.

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