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Burkina Faso : négociations pour mettre un terme au putsch de mercredi

On croyait le pays sorti d’affaire avec le départ de Blaise Compaoré, président depuis la bagatelle de 27 ans, chassé du pouvoir par la rue alors qu’il tentait de briguer un nouveau mandat. Lâché par les militaires et conspué par la rue à cause de sa volonté de se maintenir au pouvoir ad vitam æternam, le président a été contraint à la démission vendredi 31 octobre dernier. La transition, bien que tumultueuse, avait été faite sans effusion de sang majeure. A un peu plus de trois semaines d’élections qui doivent avoir lieu le 11 octobre, le Burkina se retrouve une fois de plus au bord du gouffre. Les hommes du régiment de sécurité présidentiel (RSP) ont fait irruption mercredi 16 septembre en plein conseil des ministres, à Ouagadougou, arrêtant le premier ministre, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, le président des autorités de transition, Michel Kafando, et deux ministres.

La médiation africaine, conduite par le président du Sénégal Macky Sall, avec le soutien de la France, s’est efforcée de ne pas souffler sur les braises. Les médiateurs de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cédéao), qui ont quitté Ouagadougou dimanche soir, après trois jours de tractations. Le « schéma » ainsi élaboré pour remettre le pays « sur la bonne voie » est un plan en treize points. Il prévoit le retour au pouvoir du président renversé Michel Kafando, le départ du premier ministre très décrié par les militaires, une amnistie pour les putschistes et l’organisation d’élections générales au plus tard le 22 novembre. Elément central de cette accord : l’abrogation d’une loi votée cette été qui ordonnait l’exclusion de la course électorale d’une série de personnalités jugées trop proches du régime de l’ex-président Blaise Compaoré. Cette abrogation était précisément la justification avancée par le chef des putschistes, le général Gilbert Diendéré.

Au lendemain de l’annonce par les médiateurs internationaux d’un projet de sortie de crise, les « chefs de corps de l’armée » burkinabé ont demandé, lundi 21 septembre, aux putschistes de la garde présidentielle de « déposer les armes », tandis que des unités militaires basées en province se dirigeaient vers la capitale Ouagadougou. « Toutes les forces armées nationales convergent vers Ouagadougou dans le seul but de désarmer le Régiment de sécurité présidentielle [RSP – garde présidentielle] sans effusion de sang », ont indiqué les chefs militaires dans un communiqué, qui ne précise pas les noms des officiers signataires. « Nous leur demandons de déposer les armes et de se rendre au camp Sangoulé Lamizana [dans l’ouest de Ouagadougou], et eux et leurs familles seront sécurisés. » Nous « confirmons notre engagement à remettre le pouvoir aux autorités civiles de la transition à l’issue de l’accord définitif de sortie de crise sous l’égide de la Cédéao », a affirmé le général Diendéré dans une déclaration diffusée par la télévision nationale, sans faire aucune référence à l’avancée des troupes.

Le projet de sortie de crise avancé dimanche a suscité l’indignation d’une partie de la population. À Ouagadougou et dans sa périphérie, des jeunes ont érigé lundi des barricades pour protester contre ce projet, qualifié la veille de « honteux » par le collectif Balai Citoyen. Le RSP, qui compte quelque 1 300 hommes, était la garde prétorienne du président Compaoré, – dont Diendéré était nul autre que le bras droit. En exil entre plusieurs pays, notamment la Côte d’Ivoire et le Maroc, Blaise Compaoré, que de nombreux observateurs ont accusé de téléguider les coup d’état à distance, est pour l’instant resté silencieux. Mais il semble que l’origine de la crise soit d’aventage liée au RSP lui-même qu’à l’acien dirigeant. La société civile avait demandé la dissolution du RSP à plusieurs reprises. Lundi, la Commission de réconciliation et des réformes, chargée de présenter des réformes pour le gouvernement de transition, a proposé de démanteler cette unité qualifiée « d’armée au sein de l’armée. »

Par trois fois déjà, des tensions très vives avaient éclaté entre le premier ministre et le RSP. Ce lieutenant-colonel en était pourtant le numéro deux lorsque les troubles ont commencé en octobre 2014. il était jugé à ce point fidèle à Blaise Compaoré qu’on lui avait, en quelque sorte, confié les clés du pays alors que tout menaçait de s’embraser, afin de préserver les apparences d’une transition, tout en espérant continuer à diriger le Burkina en sous-main. Cette stratégie a échoué, en raison notamment des ambitions et des convictions de Yacouba Isaac Zida. Dans les mois qui ont suivi, des moments de tensions graves ont mis les hommes de Céleste Coulibaly, le commandant du RSP, aux prises avec leur ancien compagnon. A la fin de juin, des tirs avaient même eu lieu dans l’enceinte du camp Naaba Koom, tout proche de la présidence. Les responsables du RSP avaient demandé la démission du premier ministre, sans succès. Parallèlement, des tentatives pour dissoudre leur régiment avaient également échoué.

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