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Tahir Elçi, avocat kurde partisan de la paix, abattu dans le sud-est de la Turquie

Plus de 50 000 personnes ont rendu un dernier hommage au bâtonnier de l’ordre des avocats de Diyarbakir en accompagnant son cercueil, dans la « capitale » à majorité kurde du sud-est de la Turquie. Militant actif de la cause kurde, l’avocat s’apprêtait à faire une déclaration sur les destructions survenues quelques semaines plus tôt dans le quartier historique de Sur, situé à l’intérieur des murailles de la vieille ville. Après un échange intense de tirs entre des assaillants non identifiés et des hommes entourant l’avocat, le bâtonnier a été mortellement touché à la tête. Un policier a été tué et dix autres personnes blessées, dont un journaliste et au moins deux autres membres des forces de l’ordre.

Le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan s’est déclaré « attristé par la mort de l’avocat » et a présenté ses condoléances à sa famille comme à celle des policiers. Le Premier ministre, Ahmet Davutoglu (membre de l’AKP, la formation d’Erdogan), affirme que s’il s’agit d’un assassinat « toute la lumière serait faite. » Ils laissent ainsi entendre que l’attaque serait l’œuvre des rebelles kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui mènent la lutte armée contre Ankara depuis 1984. Les affrontements ont repris depuis juillet et l’interruption des pourparlers de paix et plus de deux ans de cessez-le-feu.

Engagé dans la lutte pour les droits de la minorité kurde, Elçi n’avait eu de cesse, ces derniers temps, d’appeler l’Etat turc, ainsi que les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie) à faire taire leurs armes. Réputé pour sa modération, l’avocat faisait l’objet de poursuites pour avoir déclaré à la télévision que le PKK « n’est pas une organisation terroriste. » Il risquait jusqu‘à sept ans et demi de prison pour « apologie du terrorisme. » La version du pouvoir est pourtant qu’il aurait été pris entre deux feux : le PKK qui attaquaient les policiers, alors que l’agence de presse progouvernementale Anatolie a clairement attribué l’attaque au PKK.

« Tahir a été tué par l’Etat », rétorque Ahmet Elçi, son frère, qui comme tous les proches du bâtonnier, les organisations de défense des droits de l’homme et les partis d’opposition. D’autres pensent à la piste djihadiste. Depuis le mois de juin, les militants de la cause kurde ont été visés par trois attentats attribués par les autorités à l’organisation de l’État islamique. Le dernier d’entre eux, le 10 octobre, a fait 103 morts lors d’une manifestation devant la gare d’Ankara.

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