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Crise du Golfe : la France à l’heure des choix ?

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Entre Paris et Doha, les relations sont au beau fixe. Vendredi 6 juillet, l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al Thani, rencontrera pour la troisième fois en moins d’un an son homologue français, Emmanuel Macron – preuve que le Qatar est un partenaire diplomatique de choix pour la France. Sur le plan économique, en décembre dernier, quelque 11 milliards d’euros de contrats ont été signés entre les deux pays. Sur le plan symbolique, enfin, un ressortissant français, Jean-Pierre Marongiu, emprisonné au Qatar depuis 2013 pour « escroquerie », vient de bénéficier d’une grâce de l’émir qatari, et devrait bientôt retrouver l’Hexagone.

 

La crise du Golfe sera sur toutes les lèvres

Ces sujets, importants, risquent pourtant d’être peu évoqués lors de la prochaine visite de Tamim bin Hamad Al Thani à Paris. Au menu des discussions entre l’émir et Emmanuel Macron, c’est bien la crise du Golfe qui sera le plat de résistance. Depuis le 5 juin 2017, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis (EAU), Bahreïn et l’Egypte ont interrompu leurs relations avec le Qatar, accusé de « financer le terrorisme » et de soutenir l’Iran, ennemi juré de Riyad. Malgré les fermes démentis de Doha, un an après, le blocus économique et diplomatique tient toujours.

Paris s’était saisi en premier de la question, en proposant, dès juillet 2017, une médiation. Mais cet espoir d’une sortie de crise pacifique est dépendant du bon-vouloir des Etats-Unis, dont l’attitude n’a cessé d’évoluer depuis le début de la crise. Si les secrétaires d’Etat américains, Rex Tillerson puis Mike Pompeo, ont demandé à plusieurs reprises la « levée complète du blocus », appelant Riyad à plus de « mesure » et estimant que « l’unité du Golfe est nécessaire et nous avons besoin d’y arriver », Donald Trump a tenu des propos contradictoires, accusant notamment le Qatar de « financer le terrorisme au plus haut niveau ».

Depuis son accession à la présidence des Etats-Unis, Donald Trump a sensiblement modifié la doctrine de son prédécesseur, Barack Obama, qui visait à maintenir un certain équilibre dans ses relations avec les pays de la péninsule arabique. Le nouveau président a considérablement renforcé les liens entre son pays et l’Arabie saoudite, tout en ne dédaignant pas le Qatar, qui représente un marché important en matière d’armement militaire.

Si les Etats-Unis ménagent la chèvre et le chou, la France est, elle aussi, prise entre deux feux. Traditionnellement proche de Riyad, qui fait partie des pays à l’origine du blocus, Paris essaye également de se rapprocher des EAU… qui viennent pourtant d’être assignés par le Qatar devant la Cour internationale de Justice (CIJ) des Nations Unies, pour « violations des droits de l’Homme », après le blocus imposé à Doha depuis un an.

Le Qatar demande à la CIJ, qui siège à La Haye, d’ordonner aux EAU « de suspendre et d’abroger immédiatement les mesures discriminatoires actuellement en vigueur », « de condamner publiquement la discrimination raciale à l’égard » des Qataris et de rétablir ceux-ci « dans leurs droits ». Selon le Comité national des droits de l’Homme du Qatar, de nombreux ressortissants qataris ont été victimes d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées et d’entraves à leurs mouvements dans les pays à l’origine du blocus.

 

Les EAU projetaient d’envahir le Qatar

Mais ce n’est pas le plus grave. La récente fuite d’emails envoyés par Yousef Al Otaiba, l’ambassadeur des EAU à Washington, démontre que les plus hautes autorités émiraties ont, à tout le moins, envisagé avec l’Arabie saoudite d’envahir le Qatar et de renverser le pouvoir en place. Conquérir le Qatar « résoudrait les problèmes de tout le monde », écrit ainsi le diplomate en mai 2017. Une autre série d’emails démontre que Yousef Al Otaiba a réfléchi, avec un diplomate américain, à l’envahissement du Qatar par la Jordanie.

Ses emails révèlent qu’au centre d’un réseau tentaculaire dans la capitale américaine, l’ambassadeur des EAU s’active pour écraser son rival qatari. Yousef Al Otaiba collabore ainsi régulièrement avec un think tank néoconservateur, la Fondation pour la défense des démocraties (FDD), dont le but est de « réduire l’image et l’importance du Qatar en tant que pouvoir régional et mondial, y compris la collusion avec des journalistes qui ont publié des articles accusant le Qatar (…) de soutenir le terrorisme ».

Enfin, le Washington Post a révélé, en juillet dernier, que les EAU étaient à l’origine du piratage de sites Internet qataris pour y insérer de fausses déclarations du prince Tamim, déclarations qui ont servi de prétexte à l’Arabie et aux EAU pour déclencher le blocus. Autant d’arguments auxquels Emmanuel Macron pourrait être sensibles à l’occasion de la visite de son homologue qatari. Et qui pourraient l’incliner à repenser sa relation avec Abou Dabi ?

 
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