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La CPI résiste aux pressions de Washington

La Cour pénale internationale a décidé de répondre aux menaces du conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, qui a promis des « représailles » si les juges s’en prenaient à des Américains, à Israël ou à d’autres alliés de Washington. Malgré de violentes attaques de l’administration Trump, qui a estimé que l’institution était « Inefficace, irresponsable et dangereuse » ; la Cour de la Haye s’est engagée à continuer son travail « conformément aux principes et à l’idée générale de la primauté du droit ».

Ce dimanche, Washington s’en est pris à la Cour pénale internationale (CPI) dans une charge d’une violence sans précédent. Furieuse de se voir impliquée dans une enquête sur les agissements de ses troupes en Afghanistan, la Maison Blanche a brandi les menaces : « Nous allons interdire à ses juges et ses procureurs l’entrée aux Etats-Unis ». Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, a poursuivi : « Nous allons prendre des sanctions contre leurs avoirs dans le système financier américain et nous allons engager des poursuites contre eux dans notre système judiciaire. »

« Aujourd’hui, à la veille du 11 septembre – date commémorative du lancement de l’opération en Afghanistan – je veux adresser un message clair et sans ambiguïté de la part du président des Etats-Unis : les Etats-Unis utiliseront tous les moyens nécessaires pour protéger nos concitoyens et ceux de nos alliés de poursuites injustes de la part de cette cour illégitime » a-t-il martelé. « Nous n’allons pas coopérer avec la CPI, nous n’allons pas lui fournir d’assistance, nous n’allons pas adhérer à la CPI. Nous allons laisser la CPI mourir de sa belle mort » -t-il mis en garde, avant de poursuivre « pour nous, la CPI est déjà morte ».

En réponse, la CPI a souligné qu’elle était « une institution judiciaire indépendante et impartiale » et qu’à ce titre elle n’était pas susceptible au chantage. La procureure, Fatou Bensouda, a ajouté « agir strictement dans le cadre légal défini par le statut de Rome », et être « attachée à l’exercice indépendant et impartial de son mandat ». Cette dernière avait annoncé en novembre 2017 son intention de se pencher sur d’ouvrir une enquête sur des crimes de guerre potentiels perpétrés durant la guerre en Afghanistan – notamment des agissements délictueux de l’armée américaine.

Pour rappel, la Cour est chargée de juger toutes sortes de crimes, comme les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre. Souvent confondue avec le Tribunal Pénal International – une institution onusienne ad hoc créée pour juger les crimes de guerre en l’ex-Yougoslavie, au Rwanda et au Sierra Leone – la CPI été instaurée par le Traité de Rome du 1er juillet 2002, ratifié depuis par 123 pays (sur les 193 membres du l’ONU). Les États-Unis, Israël, la Russie, l’Arabie saoudite, Cuba, la Turquie ou encore l’Indonésie ont refusé de reconnaitre son existence. En principe, son autorité ne peut s’étendre à un État non-signataire, sauf sur demande expresse du Conseil de sécurité de l’ONU.

L’animosité américaine vis-à-vis de la CPI n’est en réalité pas neuve. Beaucoup voient dans cette sortie un nouvel exemple de la politique « America First » (L’Amérique d’abord) voulu par Donald Trump. Bolton lui-même n’a jamais caché son hostilité à l’égard de l’institution. « Pour lui, l’essentiel du droit international se résume à une illusion fantaisiste et la protection de la souveraineté américaine de l’ingérence d’institutions étrangères a été le leitmotiv de toute sa carrière », note Slate. En revanche, la profération de menaces directes contre des membres d’une organisation internationale est une première inquiétante.

Par ailleurs, la CPI a récemment fait l’objet de critiques de plusieurs dirigeants africains, l’accusant de systématiquement s’en prendre aux pays pauvres, africains en particulier, et d’épargner les grandes puissances occidentales. « Si [La Cour] poursuit son investigation sur l’Afghanistan, cela pourrait augmenter son crédit chez les sceptiques la croyant indisposée à s’en prendre aux grandes puissances mondiales », analyse The Hill. Aussi, en poursuivant cette procédure, la CPI pourrait en sortir renforcée plutôt que moribonde, contrairement aux menaces de Bolton.

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