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L’économie iranienne en berne sous l’effet des sanctions de Washington

Mise à mal par la fin des l’accord sur le nucléaire, l’économie iranienne bat de l’aile. Téhéran a entamé une action diplomatique afin de tenter mettre un terme aux sanctions décidées par la Maison Blanche. Dans le même temps l’Europe a déclaré travailler sur un circuit commercial alternatif afin de pouvoir continuer à échanger avec l’Iran sans encourir les sanctions américaines.

En mai, le président américain a unilatéralement annoncé la fin de l’accord sur le nucléaire iranien signé à Vienne par les pays du P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies — les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni — ainsi que l’Allemagne). Cette décision réinstaure les sanctions visant Téhéran, et pénalise des pans entiers de l’économie du pays.

Depuis cette annonce – et e menaces répétées visant les entreprises présentes aux Etats-Unis continuant de deviser avec l’Iran, la production d’automobiles y a diminué de 38 % en un mois. Le chiffre d’affaires de la restauration a quant à lui connu une baisse de 40 %. L’inflation a atteint 18 % en août – contre 8 % il y a un an – et les prix, notamment ceux des produits alimentaires, ont augmenté.

La politique de Washington a aussi précipité la fin des liaisons d’Air France et de British Airways vers Téhéran. Les principaux partenaires commerciaux européens de l’Iran majeurs, tels que Total, Daimler, British Airways, Peugeot, ou encore Renault. Ils ont décidé de quitter le pays craignent les sanctions promises par l’administration Trump et préfèrent mettre la clé sous la porte. En réaction à ces défections à la chaine, la monnaie iranienne n’a eu de cesse de dégringoler. Le rial s’achetait à 143 000 rials – contre 40 000 en février – après une dépréciation de 72 %.

La colère contre le régime et en particulier le gouvernement réformiste de Hassan Rohani ne cesse de croître en Iran. Il est critiqué pour sa mauvaise gestion de la crise. Dimanche 26 août, le Parlement iranien a voté, le limogeage du ministre de l’Economie et des Finances, Massoud Karbassian – vingt jours après celui du ministre du Travail. Des motions de censures contre plusieurs ministres, notamment celui de l’Industrie seraient à venir.

« Les mesures prises par Washington (..) risquent de renforcer les éléments les plus durs du régime », déplorait à ce propos le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. « Washington pense que ces pressions sont susceptibles de provoquer un changement d’attitude du régime, voire du régime lui-même; or nous ne le croyons pas », ajoutait-t-il.

Si l’Iran peine à compenser les effets des sanctions américaines, le pays tente également de les faire annuler. La diplomatie iranienne saisi la Cour internationale de Justice (CIJ) afin qu’elle suspende les sanctions américaines, dénonçant « l’étranglement » de son économie par les Américains, « après avoir cherché en vain une solution diplomatique ».

« Les États-Unis propagent publiquement une politique visant à nuire le plus sévèrement possible à l’économie iranienne et aux ressortissants et entreprises iraniens » a fait savoir l’agent de la délégation iranienne et conseiller juridique Mohsen Mohebi. Ce dernier a réclamé un traitement avec une « urgence extrême » de ce dossier au vu des « conséquences dramatiques » sur l’économie nationale.

L’Iran dénonce des « violations flagrantes » du traité américano-iranien de 1955, qui prévoit des « relations amicales » entre les deux nations afin de favoriser les échanges commerciaux. A noter, cependant, que les relations entre les deux pays sont au point mort depuis avril 1980, peu après l’assaut de l’ambassade américaine en Iran et la prise en otage de son personnel.

L’Union européenne, qui a décidé de ne pas céder devant la politique de rupture américaine, tente de préserver ses intérêts économiques en Iran. Bruxelles travaille sur un circuit commercial alternatif pour contourner les sanctions américaines et permettre à l’Iran de continuer à exporter vers l’Europe – en particulier ses précieuses hydrocarbures (il détient les quatrièmes réserves mondiales prouvées de pétrole).

Londres, Berlin et Paris ont ainsi admis envisager la création un véhicule dédié (Special purpose vehicle – SPV) agissant comme une bourse d’échanges avec Téhéran. « C’est du troc sophistiqué. L’acheteur paie des droits de compensation qui donnent (à l’Iran) un droit d’achat de biens de première nécessité », confirme un haut responsable français sous couvert de l’anonymat. Des pays tiers comme la Chine ou l’Inde pourront également y recourir.

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