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Reprise des sanctions américaines contre l’Iran

Près de six mois après sa sortie de l’accord nucléaire, Washington a initié des nouvelles sanctions contre l’Iran ce lundi – des sanctions que Téhéran a promis de « contourner fièrement ».

La reprise des sanctions économiques américaines contre l’Iran a eu lieu ce matin, comme annoncé par le président américain, Donald Trump. Sans surprise, ces mécanismes visant les entreprises du pays, mais aussi toutes les tierces parties faisant affaire en Iran, y ont provoqué un véritable tollé. Samedi, le guide suprême d’Iran Ali Khamenei a accusé l’actuelle administration d’avoir « discrédité ». Même son de cloche venant du président iranien, Hassan Rohani.

« J’annonce que nous allons contourner avec fierté vos sanctions illégales et injustes car elles vont à l’encontre du droit international » a précisé ce dernier. « Nous sommes en situation de guerre économique et nous affrontons une tentative d’intimidation. Je ne pense pas que dans l’histoire américaine il y ait eu jusqu’à présent quelqu’un à la Maison Blanche qui contrevienne à ce point au droit et aux conventions internationales » a-t-il poursuivi, très remonté, dans une allocution télévisée.

Donald Trump explique que son « objectif est de forcer le régime (iranien) à faire un choix clair : soit abandonner son comportement destructeur, soit continuer sur le chemin du désastre économique ». Et sa menace n’est pas un simple coup d’épée dans l’eau : déjà fragilisé par les mesures économiques, le troisième exportateur mondial de pétrole risque en effet d’être pris à la gorge s’il ne peut plus exporter de barils. Les exportations d’or noir assurant en effet entre 70 % et 80 % des recettes d’exportation et 40% des recettes publiques iraniennes.

En mai dernier, Washington s’est en effet retiré unilatéralement de l’accord sur le nucléaire iranien, qui prévoyait la fin des sanctions visant Téhéran contre une baisse de son programme d’enrichissement d’uranium. Les autres parties au traité, (Allemagne, France, Royaume-Uni, Russie et Chine), ont, eux, refusé de soutenir l’initiative américaine. Ils ont annoncé leur intention de développer des outils afin de protéger leurs entreprises désireuses de continuer à commercer avec l’Iran.

La mise en place de ces mécanismes de réponse à la politique de Washington n’a cependant pas été achevée à temps pour faire face à la reprise des sanctions. « Nous sommes en contact régulier avec les autres signataires de l’accord sur le nucléaire (…). Mettre en place un mécanisme qui permette de continuer à commercer avec l’Union européenne prendra du temps » avait récemment rappelé le ministère iranien des Affaires étrangères iranien, Bahram Qasemi.

Washington prévoit en effet de sanctionner quiconque continue à échanger avec des entreprises iraniennes. À compter d’aujourd’hui, les entreprises qui continuent d’importer du pétrole iranien n’auront plus accès au marché américain et ne pourront plus utiliser le dollar sous peine de s’exposer à des sanctions massives. L’été dernier, un premier volet de sanctions avait déjà poussé les constructeurs automobiles européens Daimler et PSA à quitter le marché iranien.

Malgré les vœux pieux des partenaires économiques de l’Iran, les entreprises de ce pays ont pris peur devant les mesures léonines de Trump. « Bien avant novembre, des compagnies ont arrêté leurs investissements en Iran, dont Total qui s’est retiré du projet gazier South Pars 2 », souligne Francis Perrin, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). « Des compagnies ont arrêté d’acheter du brut iranien dès l’été », ajoute le spécialiste.

Huit pays (notamment la Chine, l’Inde, la Turquie, la Corée du Sud, le Japon et Taïwan) devraent toutefois bénéficier d’une exemption, comme sous Barack Obama, à condition qu’ils réduisaient progressivement leurs importations de brut iranien. « Il y a une poignée de pays qui ont déjà réduit de façon importante leurs importations de brut et ont besoin d’un peu plus de temps pour atteindre zéro, et nous allons leur donner ce temps » a confirmé le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo.

Malgré cette tentative de rationalisation, la politique unilatérale de Washington n’est pas sans risque. Elle est à l’origine du durcissement des rapport entre l’UE et les Etats-Unis, qui pourraient mener à une véritable guerre économique entre les deux blocs dont l’administration américaine serait largement responsable. Et c’est là tout l’enjeu pour Donald Trump : faire peur sans avoir à passer à l’acte, ce qui impliquerait des répercussions très néfastes pour toutes les parties impliques.

Mais plus largement, ces sanctions devraient provoquer une raréfaction des livraisons iraniennes sur le marché avec des conséquences potentiellement volatiles. « La politique de Trump risque de provoquer une pénurie de pétrole et faire monter les prix. Toute la difficulté pour lui consiste à affaiblir l’Iran sans provoquer de flambée » souligne Francis Perrin. Pour tempérer ce risque, Washington pourra compter sur ses alliés, comme l’Arabie saoudite, qui a déjà annoncé un hause de production.

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