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La Chine et les Etats-Unis peinent à trouver un accord pour sortir de leur guerre commerciale

Les discussions de Pékin pour tenter de sortir du bras de fer commercial engagé par Donald Trump ont soulagé les marchés mondiaux. Pourtant, si des discussions ont bien été engagés, les résultats concrets se font attendre.

A en croire les parties prenantes aux négociations commerciales entre la Chine et le États-Unis, tout va bien dans le meilleur des mondes. Ces pourparlers engagés le mois dernier ont permis d’instaurer une trêve dans l’escalade des sanctions entre les deux premières puissances économiques de la planète, mettant fin à la crainte d’une guerre commerciale tout azimuts. Et si cette trêve est bienvenue pour les deux économies – et plus largement l’économie mondiale, très dépendante de la bonne performance chinoise – les premières annonces se font attendre.

 

Pékin craint pour sa croissance

Du côté chinois, on multiplie les signaux positifs. « Les discussions plus longues que prévu suggèrent que les responsables des deux côtés sont engagés (dans la conclusion d’) un accord (…), sur une note optimiste bien nécessaire », estimait mercredi dernier le quotidien chinois proche du pouvoir, le Global Times. « Les négociations demandent bel et bien un effort des deux côtés. Je peux simplement dire que leur prolongation montre que les deux parties les prennent très au sérieux », a pour sa part commenté le ministère chinois des Affaires étrangères, il y a une semaine.

La Chine ne fait pas de secret sur les gestes de bonne volonté concédés depuis l’ouverture du dialogue avec Washington. Pour Pékin, il est important de présenter des résultats alors que la très grade majorité des indicateurs suggèrent depuis plusieurs mois que son économie est en train de ralentir. Une récente enquête de la banque suisse UBS a ainsi révélé que 37% des entreprises exportatrices présente dans le pays qu’elle a interrogé ont transféré une partie de leur production hors de Chine au cours de l’année. De plus, quelques 33% supplémentaires avouaient vouloir faire de même dans les six à 12 mois à venir.

 

Washington veut rassurer ses marchés

On retrouve un optimisme apparent du côté américain. Le message de Pékin a été repris sur twitter par le Président Donald Trump mardi dernier. Ce dernier a estimé que « les discussions se pass(aient) très bien ! ». Derrière ces grandes affirmations de principe, force est de constater que le contenu des tractations est soigneusement dissimulé, et que les premiers résultats tardent. On constate même un recul sur certains sujets, à l’image du constructeur automobile chinois GAC Motor, qui a finalement été contraint d’abandonner son entrée sur le marché américain faute d’accord pas plus tard que lundi.

Mais pour Washington, pas question de se vanter de la nouvelle. Le mot d’ordre semble bien être « circulez, il n’y a rien à voir ». Et pour cause : depuis le début des négociations, Wall Street a retrouvé des couleurs. Trump veut éviter une nouvelle chute des marchés financiers liée aux inquiétudes sur les conséquences du bras de fer entre la Chine et les Etats-Unis. La nouvelle serait dévastatrice pour des marchés américains déjà rendus frileux par le Shutdown de l’administration causé par un refus de l’opposition (Démocrates) de valider un budget faisant la part belle au mur de Trump.

Pour Trump la partie est délicate. Déjà engagé dans un conflit commercial avec l’Europe, vivement contesté ans son propre pays – il a perdu la majorité au Congrès, une des deux chambres du parlement – il doit également faire face aux doutes des marchés sur sa stratégie musclée de confrontation économique, qui pour l’instant n’a pas porté ses fruits. En fin d’année dernière, il bottait en touche et accusait la Réserve fédérale américaine (FED) de tous ses maux. Mais en réalité, c’est bien ses guerres commerciales – en particulier celle engagée avec la Chine – qui donnent le « la » sur les bourses (effets de confiance, conséquence sur les devises …).

Plus largement, le règlement des différends opposant la Chine et les Etats-Unis « sera très important pour la manière dont l’économie mondiale se façonnera cette année », comme le soulignait justement Ayhan Kose, un économiste à la Banque mondiale. Ainsi, l’annonce lundi par Pékin d’une baisse de l’excédent commercial chinois de 16,2%, pour finir à 351,8 milliards de dollars, a par exemple entraîné un vent de panique chez les investisseurs, causant à terme une chute des places financières mondiales, d’abord en Asie, puis en Europe, et enfin aux Etats-Unis.

 

Le prix de l’unilatéralisme

La doctrine de Trump est de plus en plus critiquée. François-Xavier Chauchat, économiste et membre du comité d’investissement de Dorval Asset Management, notait ainsi que « la guerre commerciale initiée par Donald Trump repose sur des contrevérités ». D’après lui, Trump estime « injuste » la mondialisation « car elle produirait un déficit courant des échanges de 2,5 % du PIB américain ». Alors qu’ « en réalité, les flux entrants provenant des profits des entreprises US réalisés à l’étranger compensent entièrement ce déficit ! Il n’y a donc pas de déficit américain. »

En outre, il a également lancé un bras de fer avec l’UE. S’il avait été moins unilatéral, Trump aurait pu solliciter l’aide de son allié, qui s’il n’est pas prêt à le suivre dans toutes ses extravagances, partage les mêmes doléances à l’égard e la Chine que la Maison blanche. Il est fort à parier qu’une pression conjointe de la première puissance économique mondiale et du premier marché mondial sur la Chine aurait eu des conséquences plus importantes – et surtout plus immédiates. Mais là encore l’America first aura primé – et pourrait bien une nouvelle fois finir en un America alone.

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