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Le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, jette l’éponge

Le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim a annoncé sa démission lundi sur fond de contestation croissante de sa gouvernance. Son mandat courrait officiellement jusqu’en 2022. Le choix de son successeur promet d’être éminemment politique.

Le président de la Banque mondiale (BM), Jim Yong kim, a présenté mardi sa démission lundi. Il quittera ses fonctions le 1er février prochain, laissant temporairement la main à l’actuelle directrice générale de cette institution et ancienne commissaire européenne à l’Aide humanitaire, la bulgare Kristalina Georgieva. Ce fils d’un Nord-Coréen exilé aux États-Unis claque donc la porte, à peine réélu (en juillet 2017), et quatre ans avant la fin de son second mandat. Désigné en 2012 par Barack Obama, il avait focalisé son action sur les 40 % les plus pauvres de la population dans les pays en développement.

« Cela a été un grand honneur que de servir en tant que président d’une institution remarquable, forte d’un personnel passionné dédié à sa mission qui est d’éliminer l’extrême pauvreté de notre vivant » a-t-il écrit dans un communiqué, sans plus justifier la raison de son départ. « Le travail de la Banque mondiale est plus important que jamais alors que les aspirations des pauvres progressent dans le monde et que les problèmes comme celui du changement climatique, des épidémies, des famines et des réfugiés continuent de croître en ampleur et en complexité ».

Jim Yong kim devrait rejoindre une société d’investissements dont il n’a pas divulgué le nom afin de se focaliser « sur les investissements dans les infrastructures dans les pays en développement » – une thématique qui avait marqué sa présidence. Il a également indiqué son intention de réintégrer le conseil d’administration de Partners in Health, une ONG basée à Boston où il a exercé pendant vingt ans avant de prendre ses fonctions à la Banque mondiale. Il y avait notamment lutté contre les épidémies de tuberculose et de sida dans les pays défavorisé.

Cette démission met un terme à un bras de fer engagé avec une partie de la haute administration de la BM. Affichant des ambitions de réforme sans précédent, JYK avait écopé du sobriquet de « docteur Frankenstein ». Il avait lancé un plan d’économies de 400 millions de dollars très controversé, accompagné d’une vague de licenciements. « Jim a eu le tort d’engager trop de réformes en même temps pour la Banque. C’est mal passé auprès des « barons » de l’institution », notait un haut fonctionnaire toujours en poste.

« Il s’est rapidement heurté à un problème culturel. En voulant calquer le modèle de la Banque mondiale sur celui des grandes banques d’affaires, il a perdu le soutien du « middle management » » concluait -il. 42 anciens hauts cadres dirigeants de la Banque avaient ainsi protesté lors de sa réélection dans une lettre publiée dans le Financial Times. D’autres, resté dans l’institution, lui reprochaient une politique trop axée sur les problématiques de santé, expliquant de l’institution devait davantage se démarquer de la ligne de l’OMS.

Plus généralement, s’il bénéficiait du soutien de grands dirigeants, sa popularité avait aussi chuté auprès du personnel de la Banque. Une enquête interne menée en juin 2015 auprès des salariés révélait déjà « un management inepte », des « cadres dirigeants ne connaissant pas leur propre organisation » et des « craintes de représailles » des salariés. Pour l’association du personnel, « seul un employé sur trois déclare savoir où l’équipe de management veut [les] mener ».

Cette démission pose la question de son remplaçant, sur fond d’une Amérique très divisée. « Jim Yong Kim a fort bien compris l’enjeu de la présidentielle américaine en suggérant aux grands de ce monde : élisez-moi maintenant, car si Donald Trump est élu, vous risquez d’avoir un « fou » à la tête de l’institution. Du grand art ! » témoigne un cadre de la Banque sous couvert d’anonymat. Des inquiétudes partagées par une partie de la communauté internationale, qui en « off » s’alarme d’un changement de politique radical, aligné sur le rejet du multilatéralisme que prône Trump.

Depuis sa création en 1945, la BM est dirigée par un américain – en contrepartie la direction du FMI revient à un européen. Cette tradition est toutefois vivement contestée par les pays émergents. Beaucoup considèrent en outre que la Banque mondiale subit largement l’influence politique des États-Unis, notamment via le refus de prêts au régimes ennemis de Washington (une influence particulièrement marquée sous la présidence Nixon). Une tendance qui ne risque pas de changer sous la mandature du prochain président, choisi par Trump.

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