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L’ombre du Brexit pèse sur les élections européennes

Les élections européennes seront « le début de la fin du Brexit ». C’est du moins ce qu’a assuré le président du groupe des socialistes au parlement européen, Udo Bullmann. A compter de cette date, « les citoyens britanniques auront la possibilité de reprendre le contrôle » sur le processus, assure-t-il. Un optimisme qui n’est pas partagé par tous. On peut notamment citer le responsable de l’ALDE, Guy Verhofstadt, plus prudent : « Je crains que nous continuions dans cette incertitude. Et je crains que tout cela n’importe le bazar du Brexit dans l’Union européenne ». Et pour cause, il y a à peine une semaine, l’Union européenne (UE) a convenu d’un nouveau report de la date du Brexit au 31 octobre prochain.

La session parlementaire qui se tenait cette semaine à Strasbourg a ainsi porté sur la question du prolongement du Brexit et de ses conséquences sur les institutions européennes. Il était en effet initialement prévu de régler la sortie du Royaume-Uni de l’UE avant les élections européennes qui se dérouleront du 23 au 26 mai (le 29 mars puis le 12 avril) mais la perspective d’un divorce sans accord (no deal) aura poussé les 28 à botter une nouvelle fois en touche. « Nous sommes en pause Brexit et nous nous concentrons sur des choses plus positives », a tenté de relativiser le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

« S’il y a un souhait de rester dans l’Union européenne, nous pouvons en parler. Le Brexit n’est pas l’avenir de l’Union européenne » ajoutait-il. Pourtant, ce dernier a déjà largement pesé sur cet avenir et pourrait le faire encore plus à l’aune de ce scrutin crucial pour une Europe au bord de la schizophrénie.

To leave or not to leave?

La première conséquence du Brexit est, paradoxalement, un renforcement de l’UE. En montrant les réalités d’une sortie, Les déboires de Mme May ont en effet décrédibilisé le discours qui maintenait qu’un divorce se ferait sans douleur. Plus question, donc, de quitter le bloc devant la débâcle britannique, même pour les partis les plus nationalistes. Salvini (Italie), Orban (Hongrie), le PiS (Pologne), tous appellent au maintien de leur pays au sein l’Union, malgré des attaques systématiques contre les institutions bruxelloises. Le Rassemblement national (RN, ex Front national) lui-même dit avoir « pris acte » de la volonté des Français de « maintenir l’euro » et appelle lui aussi désormais à un maintien pour mieux renégocier les traités européens.

Pour Londres aussi, la sortie est ; comme on l’a vu, délicate. L’accord proposé par Mme May a été rejeté à trois occasions distinctes et les discussions en cours avec les Travaillistes pour trouver un compromis se trouvent dans une impasse. Une majorité d’électeurs serait désormais en faveur d’un « remain » à en croire les derniers sondages. Compte tenu du blocage des institutions britanniques, le Royaume-Uni a de fortes chances de lui aussi être obligé de participer aux élections européennes. Une perspective qui ne ravit pas les partisans du Brexit, qui se sentent floutés. Aussi, fort est à parier qu’ils se mobilisent largement dans un vote de rejet des institutions européennes.

Un sondage YouGov paru en début de semaine indique ainsi que le leader d’extrême droite Nigel Farage, et son « Brexit Party », arriveraient en tête des intentions de vote avec 27 % – soit 5 points de plus que les Travaillistes et douze sur les Conservateurs. Ces derniers sont très affaiblis car ils sont largement considérés comme responsables de l’absence l’accord entre Londres et Bruxelles par leurs électeurs eurosceptiques, et accusés de bloquer un nouveau référendum par leur partisans europhiles.

Le risque d’un parlement eurosceptique

A l’annonce du nouveau report du Brexit, Donald Tusk, président du Conseil européen, a appelé les européens à se concentrer « sur d’autres priorités ». Mais il existe un risque réel que le chaos engendré par les tentatives de sortie infructueuses de Londres contamine le scrutin de mai prochain. Déjà, en raison de ce report, une floppée d’élus britanniques pourraient venir grossir les rangs des anti-européens. Ensuite, l’incapacité à avancer sur la question du Brexit – due à une impasse politique qui fait vaciller le parlementaire du Royaume-Uni lui-même – pourrait bien alimenter la lassitude des autres électeurs européens, le poussant à ne pas voter ou à choisir un parti contestataire.

Pour Tusk, les élus britanniques, s’il devait en avoir, seraient « des membres à part entière du Parlement européen avec les droits et obligations associés à ce rôle ». Pour lui, il n’est pas question « de traiter le Royaume-Uni comme un membre de seconde zone durant la période de prolongation ». Mais un groupe important d’élus eurosceptiques pourraient constituer une minorité de blocage à Strasbourg alors même que l’UE tente de se réformer. Et le risque serait sensiblement renforcé par l’arrivée massive d’élus britanniques compte tenu des sondages précités. Aussi, le Parlement pourrait alors devenir « un vrai pigeonnier » pour reprendre l’expression de l’ancien Premier ministre belge, Guy Verhofstadt.

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