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Brexit : où en est le Royaume-Uni à la veille des européennes ?

Près de trois ans après le fatidique vote sur le Brexit, on n’en sait pas beaucoup plus sur le dénouement du divorce. La séparation, initialement prévue pour le 29 mars dernier, est aujourd’hui en principe repoussée au 31 octobre – et la participation de facto du Royaume-Uni aux élections européennes montre que le problème est loin d’être réglé. Loin d’être réglé, car le pays n’a toujours pas réussi à trouver un positionnement qui séduise la majorité des britanniques.

Aujourd’hui, les négociations entre les conservateurs et les travaillistes, seule voie actuellement explorée pour sortir de la crise, font du surplace. Quand bien même elles mèneraient à une proposition concrète des deux dirigeants, certainement un soft Brexit, il est improbable qu’elle convainque une majorité de députés – encore moins une majorité d’électeurs – le choix d’un compromis encore plus important ne pourra pas satisfaire deux camps plus que jamais polarisés (Hard Brexit contre Remain).

Plus largement, le leader travailliste Jeremy Corbyn semble avoir engagé ses pourparlers pour la forme, n’ayant aucunement intérêt politique à sauver la mise d’une Première ministre qu’il cherche à renverser depuis des années. En outre, il sait que Mme May est de plus en plus isolée au sein de son parti et que ses engagements ne sont absolument garantis.  « Le problème qu’ils ont, c’est que littéralement, devant nous, ils vont se brouiller entre eux », notait ainsi John McDonnell, porte-parole du Labour.

May, indélogeable ?

De fait, le parti conservateur est à la manœuvre pour tenter une nouvelle fois de destituer Theresa May. Cette dernière doit rencontrer les membres du parti conservateur, jeudi 16 mai pour leur présenter son nouvel agenda pour le Brexit. Une confrontation musclée est déjà prévue avec les députés conservateurs eurosceptiques de l’ERG (European Research Group, entre 75 et 80 élus sur les 317 que comptent le parti) très remontés à l’idée qu’elle puisse s’orienter vers un soft Brexit pour obtenir le soutien de certains travaillistes.

Aussi, treize anciens membres du gouvernement ont écrit à Theresa May pour lui demander de ne pas accepter la demande du Labour, qui souhaite le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l’UE. « Vous perdriez le centre loyal du Parti conservateur, feriez éclater notre parti (…) », mettent-ils en garde. « Nous vous demandons d’y réfléchir à nouveau. » Pour ces derniers, cet accord inter-partisan serait nul et non avenu dès son remplacement : « Aucun dirigeant ne peut lier les mains à son successeur, aussi un accord serait-il au mieux temporaire, au pire illusoire ».

Mme May ayant survécu à un vote de défiance au sein de son propre parti en décembre 2018, elle est en principe en sécurité pendant un an selon les règles du parti. Mais certains évoquent la possibilité de modifier ces règles. Pour ce faire ils rappellent qu’elle avait promis le 27 mars dernier, qu’elle quitterait son poste dès que l’accord conclu avec les Européens serait voté par le parlement. Une annonce sur laquelle elle pourrait bien revenir maintenant qu’elle sait qu’un nouveau Premier ministre conservateur tenterait vraisemblablement de revenir sur tout ce qui aurait été conclu par l’actuel gouvernement durant ces trois ans de ce qui pour elle a dû être un véritable enfer.

Un vote impromptu

Pour résumer, rien ne bouge. Et profitant du chaos, le Brexit Party, nouveau vaisseau de Nigel Farage, créateur du parti anti immigration Ukip, fait le plein. Créé en avril, il est aujourd’hui crédité de 34 % des intentions de vote – contre 10 % pour les Tories. Si ce chiffre impression, il ne s’agit pas forcément de votes d’adhésion. Farage récupère les voix des Brexiters les plus déterminés, déçus à droite par les compromis engagés de Mme May pour sauver son accords (qu’ils étaient d’ailleurs nombreux à ne pas trouver assez définitif avant même qu’elle ne commence à négocier avec les travaillistes) ou, à gauche, par les tergiversations de Corbyn, eurosceptique assumé sous pression d’un parti de remiainers.

Si ces chiffres sont confirmés lors du vote, ce sera les fourches caudines pour les Tories, relayés en quatrième position, alors qu’ils ont déjà essuyé une cuisante défaite aux élections locales, perdant plus d’un millier d’élus. Le Parti travailliste, lui-même partagé entre militants europhiles et eurosceptiques, ne serait d’après les derniers sondages d’ailleurs pas épargné par la grande hémorragie des électeurs, avec entre 25 et 21 % de suffrages seulement.  Les libéraux-démocrates, pro-européens sont eux crédités de 12 %, un bond en avant considérable pour un parti qui était devenu presque anecdotique ces dernières années.

Le scrutin européen ayant été confirmé il y a tout juste une semaine, 16 jours avant le vote, la campagne n’aura pas réellement eu le temps de commencer. Un autre élément qui favorisera sans doute les Brexiters, officieusement en campagne depuis près de trois ans. Faute de réels débats, il ne pourra se substituer au second referendum que Theresa May refuse obstinément. En cas de victoire aux élections européennes, Farage a pourtant annoncé « exiger que les députés européens du Parti du Brexit intègrent l’équipe de négociation du gouvernement ». Une bravade de plus qui restera certainement sans effet, mais là encore, il n’en est plus à un mensonge près sur le Brexit.

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