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Quels remplaçants pour Theresa May ?

La Première ministre britannique a annoncé qu’elle démissionnerait de ses fonctions au sein du gouvernement mais aussi du Parti conservateur le 7 juin prochain. Theresa May, visiblement exténuée, raccroche donc finalement les gants après trois années de calvaire. Avec la fin des discussions qu’elle avait engagées avec le parti travailliste, sans qu’elles n’aient débouché sur un accord, la prochaine étape pour le Royaume-Uni semble bien de trouver un remplaçant à Mme May. La tâche de ce dernier promet d’être délicate, puisqu’il récupère un parti en crise, et qu’il sera chargé de trouver une solution pour sortir les négociations du Brexit de l’impasse.

L’accord négocié par la Première Ministre ayant été rejeté une quatrième fois, il faudra choisir entre un Brexit plus doux, capable de convaincre au centre et à gauche, ou un Brexit plus dur. Compte tenu du succès retentissant du Parti du Brexit, mené par le populiste Nigel Farage, lors des élections européennes – 31,8% des voix, bien que le scrutin ait été boudé par 63% de la population – il est fort à parier que les tories décident de mettre un coup de bar à droite. Le parti, qui n’a comptabilisé que 9% des votes, a besoin d’un Brexiter dur pour récupérer les électeurs qui ont voté pour le Brexit Party et mettre un terme à l’hémorragie.

Neuf personnes sont d’ores et déjà en lice. Seulement certains sont des acteurs relativement mineurs de la vie politique britannique, comme Matt Hancock et Rory Stewart, deux membres du gouvernement, et l’ancienne ministre, Esther McVey, et à ce titre ont très peu de chances de l’emporter. 6 autres candidats ont retenu notre attention. Les députés conservateurs auront la charge d’en élire deux via des votes par élimination successifs. Les deux personnalités ayant survécu à ces éliminatoires s’affronteront ensuite pour obtenir le soutien de la majorité dans un vote ouvert à tous les adhérents au parti conservateur.

Boris Johnson, Est-il besoin de présenter Johnson ? L’ancien secrétaire aux affaires étrangères et maire de Londres, fait aujourd’hui figure de favori parmi tous les candidats. Il était d’une part une des figures les plus remarquables de la campagne pro-Brexit et d’autre part engagé vendredi à ce que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne le 31 octobre quoi qu’il arrive – de quoi séduire les Brexiters les plus remontés. Il pourrait toutefois se voir écarter lors de la première phase de la sélection, ses trahisons répétées lui ayant valu beaucoup d’ennemis.

Michael Gove : Ministre de l’Environnement et eurosceptique notoire, Gove était le 3e homme du parti en 2016, lorsqu’il a trahi Johnson pour tenter de prendre ma tête du parti. Son soutien à l’accord de Theresa May l’a cependant affaibli politiquement et il est souvent raillé dans les médias. Il pourrait toutefois apparaître comme l’homme de la situation en raison de la souplesse de ses positions et parce qu’il est largement considéré comme plus compétent et plus fiable que son ancien mentor, Boris Johnson.

Jeremy Hunt, actuel ministre des Affaires étrangères, est un modéré. Il avait initialement soutenu le maintien dans l’UE avant de changer d’avis, blessé par l’approche « arrogante » de Bruxelles lors des négociations. Il considère toutefois qu’une sortie sans accord serait « un suicide politique » et cherchera donc à trouver une solution commune avec l’UE. Cette position pourrait lui valoir le suffrage des opposants au Brexit dans le parti – ne les oublions pas – et des Brexiters les plus modérés, mais son passé de « Remainer » lui coutera certainement le soutien des eurosceptiques.

Donimic Raab : Brièvement Ministre chargé du Brexit, Raab a démissionné à la fin du processus de négociations avec Bruxelles. Il n’était pas satisfait du résultat, malgré son rôle déterminant dans le processus. Il est jeune et à ce titre pourrait obtenir le soutien de la nouvelle génération. Il est aussi moins clivant que Johnson. Il est toutefois aussi Brexiter que faire se peut. Ses maladresses sur l’importantce du fret transitant par la Manche lors de la négociation avec Michel Barnier pourrait cependant lui coûter cher.

Sajid Javid : Secrétaire d’État à l’Intérieur, Javid est très influent dans le parti depuis son entrée en 2010 au parlement en – il a occupé pas moins de 10 postes de Ministre. Il était même le favori avant le raz de marée du vote Brexit Party lors des européennes. Sa relativement bonne gestion du scandale « Windrush » a prouvé qu’il savait naviguer en eaux troubles et s’il s’était prononcé contre le Brexit au moment du référendum de juin 2016 mais défend depuis des positions eurosceptiques. Ce serait également le premier homme de couleur (c’est le fils d’un chauffeur de bus pakistanais) à accéder au poste de Premier ministre tous partis confondus – une qualité à double tranchant dans le climat actuel au Royaume-Uni.

Andrea Leadsom, ministre chargée des relations avec le Parlement, a démissionné mercredi dernier, estimant « ne plus croire » que le gouvernement puisse mettre en œuvre le résultat du référendum de juin 2016. Dernière vraie « caution » eurosceptique du gouvernement de Mme May, elle milite pour un Royaume-Uni « pleinement souverain ». Seule femme survivante dans un monde d’homme, elle fut finaliste malheureuse dans la course au poste de chef du gouvernement en 2016, mais cette fois les augures pourraient lui être plus favorables.

L’atout Jacob Rees-Mogg : Le trublion victorien n’est pas officiellement en lice, mais les appels se multiplient chez les backbenchers conservateurs pour qu’il se présente. Il est en quelque sorte devenu la voix du Brexit au sein de sa famille politique. L’homme défend toutefois des positions très controversées (notamment sur avortement) et ne dispose d’aucune expérience ministérielle préalable. Mais il dispose d’une véritable fanbase dévouée, très active au parlement et dans la presse, et représente un outil de choix pour tenter d’aller chasser sur le terrain du Brexit Party.

La vraie question qui doit être réglée par ce vote est celle d’une potentielle sortie sans accord, qui serait de nature à peser sur le rythme de croissance de l’économie britannique. « Elle pourrait même tomber en récession vers fin 2019 début 2020 » estime Azad Zangana, économiste senior pour l’Europe et stratégiste auprès de la société de gestion britannique Schroders. D’après lui, un No Deal provoquerait un ralentissement de la croissance qui pousserait la Banque d’Angleterre à baisser son taux d’intérêt directeur, ce qui causerait à son tour une dépréciation de la livre Sterling et une poussée de l’inflation. Si le risque est réel, certains le trouvent acceptable. L’est-il pour la majorité du parti ? Les élus conservateurs trancheront.

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