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G7 : un timide retour du multilatéralisme

Les dirigeants du G7 – chefs de certaines des plus importantes économies du monde – ont affiché une unité rare au sommet de ce weekend à Biarritz. Même Donald Trump, qui s’est largement illustré en tant qu’ennemi du compromis multilatéral au cours des premières années de sa présidence s’est montré conciliant sur tous les contentieux qui l’opposaient au reste du monde – taxe GAFA avec le France, nucléaire iranien avec l’Europe et la Russie, contentieux commercial avec la Chine… Ce dernier a même loué une « formidable unité » au moment de partir.

Les choses étaient pourtant mal engagées : il arrivait en froid avec son hôte sur la question des taxes françaises sur les GAFA et menaçait de taxer les vins français. Il avait également qualifié d’« ennemi » le Président chinois Xi Jinping trois jours plus tôt. Mais force était de constater que sa ligne de diplomatie forte en gueule était risquée. Les deux alliés historiques que sont le premier ministre japonais, Shinzo Abe, et le Britannique, Boris Johnson, avaient récemment pris leurs distances avec Trump, et son allié indien, Narendra Modi, veniat de refuser une proposition de médiation dans la crise qui oppose le pays au Pakistan.

Aussi, la Maison Blanche a considéré qu’il n’était pas judicieux de mettre en évidence son isolement, et a jugé bon de s’aligner sur le tempo donné par Emmanuel Macron. Ce dernier comptait bien placer la France au centre du jeu. La place d’acteur central de la communauté internationale – celui qui parle à tout le monde – a en effet progressivement été perdue par les Etats-Unis, d’abords avec les guerres qui ont suivi les attentats du 11 Septembre 2001, puis avec les prises de position encore plus radicales de l’administration Trump. En retour, Macron a donné beaucoup de gages à Trump pour ne pas le contrarier – jusqu’à partager la vedette du sommet avec lui.

Une volonté d’apaisement

Trump, lui aussi, a joué l’ouverture sur tous les fronts. Mais l’avancée la plus remarquable a été son changement de position sur l’Iran – laissant entendre qu’un dialogue était possible après des mois de guerre de tranchée. Il s’est même, à l’aune d’une visite « surprise » du chef de la diplomatie de la République islamique, Mohammad Javad Zarif, (qui a rencontré Jean-Yves le Drian et Emmanuel Macron), dit ouvert à une rencontre avec le Président iranien Hassan Rohani. Le caractère imprévu de cet épisode est toutefois difficilement imaginable compte tenu du contexte d’apaisement voulu par Paris. Et ce d’autant que Zarif fait l’objet des sanctions américaines.

L’autre grande avancée de cette rencontre aura été l’accord de principe établi entre Washington et Paris sur la question de la taxe sur les géants du numérique américains (GAFA). Dans une rencontre discrète en marge du sommet, le Ministre de l’économie français, Bruno Le Maire, et le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin se sont mis d’accord sur un remboursement aux entreprises californiennes du trop-perçu lorsqu’un système international sera instauré sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (prévu pour 2020). Une concession qui a calmé les tensions entre les deux alliés – et écarté le risque d’une nouvelle guerre commerciale à l’heure où l’économie américaine marque le coup des multiples bras de fer lancés par Trump.

Peu d’avancées sur le Climat

Il ressort que l’économie aura été l’enjeu crucial de cette rencontre – en particulier le risque de récession qui menaces Washington. Mais Emmanuel Macron, qui a eu les mains relativement libres pour fixer l’ordre du jour, aura aussi réussi à parler un peu du changement climatique. Les dirigeants du G7 se sont ainsi accordés sur une aide d’urgence pour aider plusieurs pays d’Amérique du Sud à faire face aux feux destructeurs qui ravagent Amazonie. Une petite avancée immédiatement balayée par le Président brésilien, Jai Bolsonaro, qui a accusé la France de « colonialisme ». Son gouvernement a malmené le dirigeant français dans une série de sorties ministérielles volontairement insultantes, limitant de facto la liste des points de convergence qu’aura permis ce sommet.

Ces divergences climatiques ne peuvent d’ailleurs que se creuser à mesure que l’économie aura un rôle coercitif pour l’Europe, désireuse de rappeler à l’ordre les « mauvais élèves » de l’action climatique. Dans ce contexte, le rôle de l’Organisation mondiale du commerce pourrait changer. Une évolution que la Maison Blanche semble avoir anticipé, puisque qu’elle a, fidèle à sa politique de rejet du multilatéralisme, menacé une nouvelle fois de claquer la porte de l’organisation « s’il le faut ». Trump prétend en effet que l’OMC accorde un traitement de faveur aux pays en développement, notamment à la Chine. Des accusations balayées par Pékin, qui a rejoint l’organisation en 2001.

Aucun pays n’a quitté l’organisation depuis sa création en 1995 – et un départ d’un pays aussi important que les Etats-Unis serait une tragédie pour les relations économiques internationales. La question de la réforme potentielle de l’institution a donc été abordée lors de cette rencontre. Elle promet d’être un des sujets centraux du prochain G7, qui se tiendra à Miami et où il espère bien cette fois donner le tempo.

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