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L’ombre de l’Iran derrière les attaques en Arabie saoudite

Samedi 14 septembre, une attaque de drone a sérieusement endommagé deux installations pétrolières de la compagnie saoudienne Aramco. Les incendies apocalyptiques provoqués par ce bombardement ont fait baisser la production saoudienne de moitié, ce qui promet d’être lourd de conséquence pour Riyad qui dépend du pétrole pour 68% de son budget. Sans parler de l’atteinte à ses réserves de brut. L’attaque souligne également à quel point ses installations de traitement saoudiennes, notamment ses plus précieuses, sont exposées. Elle a été rapidement revendiquée par les rebelles yéménites Houthistes, en guerre indirecte avec Riyad depuis 2015.

Dans le même message, ces derniers ont également menacé de viser « des dizaines de cibles aux Emirats arabes unis, dont Abou Dhabi et Dubaï », la pays faisant partie de la coalition qu’ils combattent au Yémen.  Mais compte tenu du fait que les sites visés se trouvent au nord-est du pays, près du Golfe, bien loin de la frontière, il ressort que cette attaque a nécessité un matériel sophistiqué. Aussi, il est plus vraisemblable que l’attaque soit partie de l’Iran ou des milices chiites présentes sur le sol irakien, les Houthis étant soutenus par Téhéran.

Pour l’Arabie saoudite, il ne fait nul doute que l’Iran se cache derrière ces attaques. Le colonel Turki al Malik, porte-parole de l’armée saoudienne a d’ailleurs qualifié les rebelles Houthistes de « marionnettes aux mains des gardes de la révolution iranienne ». Un avis visiblement partagé par Donald Trump, qui a annoncé de nouvelles sanctions contre le régime islamique « d’ici quarante-huit heures ». Dans le même temps, à la demande du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, qui veut faire baisser les tensions, des experts des Nations unies (ONU) ont été envoyés en Arabie saoudite pour mener une enquête internationale sur les attaques.

Un pas de plus vers la guerre ?

Seule certitude pour l’heure, le clan shiite est déterminé à montrer les muscles après avoir fait l’objet de menaces et de pressions répétées. Et cette attaque souligne une nouvelle fois la vulnérabilité de l’Arabie saoudite malgré le soutien inconditionnel de Washington et des investissements militaires maousses (51 milliards en 2019). « L’Arabie saoudite n’a pas anticipé ce type d’attaque », explique Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient. Une attaque qui vient couronner une série d’échecs de la politique régionale saoudienne, de la défaite en Syrie, à la mise au ban ratée du Qatar, en passant par les affaires Hariri et Khashoggi.

Cette fois, c’est dans sa chair que le pays est touché. « Pendant des années, Riyad a surtout considéré les menaces intérieures, notamment de la minorité chiite présente sur son territoire, et a protégé ses infrastructures d’attaques venant du sol, négligeant les airs » note l’experte. Riyad ne devrait qui plus est pas répliquer en raison du rapport de force dans la région. Le pays, qualifié de « nain militaire » Nicolas Tentzer, Président du Centre d’étude et de réflexion pour l’action politique, aurait, pour avoir une chance contre l’Iran, besoin de ses alliés. « Les Saoudiens attendent un soutien militaire en retour des investissements, car ils ne sont pas en mesure de se protéger seuls » confirme Agnès Levallois.

Aussi, tous les regards se tournent maintenant vers Washington – qui, rappelons-le, est à l’origine de cette crise par sa sortie de l’accord sur le nucléaire iranien, en 2018. Depuis, le renforcement du blocus sur l’Iran a poussé le pays à réagir. Faute de réponse américaine à l’arraisonnent des tankers cet été dans le détroit d’Ormuz, sorte de test de sa résolution, la République islamique sait désormais que la Maison blanche veut éviter la guerre à tout prix. Sous pression car en campagne, Trump fait face à une base électorale très hostile à la guerre – il a même promis de se désengager de la région. Aussi, l’Iran semble jouer de cette situation pour s’en prendre à son plus proche allié dans la région.

Quel Iran derrière ces frappes ?

En bloquant manu militari 6% de la production mondiale de pétrole, Téhéran a montré qu’elle peut aussi nuire aux intérêts économiques des Etats-Unis et ses alliés. Et Trump est dans une position où il ne peut se permettre une réponse militaire directe. Ce dernier ne veut pas non plus être responsable d’une image d’Amérique paillasson et il devra réagir pour rassurer sa base nationaliste qui veut d’une Amérique forte. Aussi, il est possible que l’Iran veuille le forcer à négocier, afin de lever la chappe imposée par Washington sur leur économie. Un accord – également permis par la récente démission du faucon John Bolton – pourrait en effet laver l’affront, et renforcer le Président « deal-maker ».

Une autre hypothèse est que ces attaques aient été commanditées par les ultranationalistes iraniens, qui veulent saboter les efforts de rencontre avec le Président modéré Hassan Rohani et son Ministre des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. Un coup de fore qui pourrait porter ses fruits, alors que présence du président iranien Hassan Rohani à New York pour la prochaine Assemblée générale des Nations unies pourrait être compromise faute de visas délivrés par les États-Unis. Un coup dur pour la France qui a multiplié les efforts en vue d’une rencontre entre M. Trump et M. Rohani en marge de cette rencontre.

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