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Brexit : les institutions britanniques résistent, la crise continue

La semaine dernière, la Cour suprême de Londres a jugé « illégal, nul et non avenu » le choix de Boris Johnson de suspendre le parlement pendant cinq semaines, jusqu’à deux semaines du Brexit. Comme pour enfoncer le clou, la décision a été rendue à l’unanimité. Cette suspension, en raison notamment de sa longueur très inhabituelle et de son timing qui permettait de museler le parlement pour la dernière ligne droite avant le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, avait été qualifiée par les opposants au Brexit de coup d’état institutionnel. Le président de la Chambre des communes, John Bercow, où Johnson est régulièrement houspillé, a immédiatement annoncé que les députés reprendraient leurs travaux dans la lancée.

L’opposition a aussitôt appelé – une nouvelle fois – à la démission du Premier ministre. Jeremy Coryn a même a appelé à ce que le dirigeant conservateur devienne « le Premier ministre le plus éphémère de tous les temps ». Pourtant, il est fort à parier que le parti ne fera rien pour causer des élections générales anticipées avant le 31. L’idée est d’empêcher le Premier ministre de tenir sa promesse d’une sortie « coute que coute » avant Novembre. Ce dernier a toutefois décidé d’exacerber la confrontation plutôt que de faire son mea culpa, prouvant que rester au pouvoir est sa priorité absolue. « Ce qu’il essaie de faire, c’est de maximiser le soutien des électeurs soutenant le Leave (départ de l’UE) », analyse Chris Curtis, directeur de la recherche politique à l’institut YouGov.

Une dernière tentative pour trouver un accord

Le dirigeant contesté doit désormais reprendre l’initiative. Johnson présentera donc d’ici la fin de semaine un plan détaillé censé relancer les négociations avec l’UE. Ce dernier semble en fin de compte vouloir empêcher une sortie sans accord, quasi universellement considérée comme catastrophique pour l’économie britannique. Rappelons le rapport de l’« Opération Yellowhammer », qui annonçait de graves pénuries de nourriture, de carburants et de médicaments et le blocage des ports entre autres réjouissances. Mais Boris Johnson compte également éviter le rétablissement d’une frontière « physique » pour éviter un réveil des tensions communautaires latentes en Irlande du Nord.

Or, le 17 octobre se tient en effet un sommet européen crucial pour le Royaume-Uni car il pourrait constituer la dernière chance pour Londres de quitter l’Union avec un accord. Aussi, il est fort à parier que la nouvelle proposition britannique sera une reprise de l’accord de Theresa May, avec une proposition alternative au backstop qui cristallisait toutes les tensions et avait fait échouer le passage du texte malgré les tentatives répétées de l’ancienne Premier ministre britannique. Elle serait, d’après les premiers échos des équipes bruxelloises, basée sur des « centres de dédouanages » des deux côtés de la frontière irlandaise.

Cette solution créerait toutefois une fracture au sein même du Royaume-Uni qui nombre de Brexiters voulaient à tout prix éviter. Ce sacrifice de taille vient du fait que depuis la décision de la Cour suprême, c’est Johnson qui est sous pression. Faute d’un accord final le 19 octobre, Boris Johnson serait contraint de demander aux Vingt Sept un nouveau report de trois mois du Brexit d’après une loi votée par le Parlement – véritable humiliation politique. En outre, la justice britannique a estimé qu’en ne respectant pas cette injonction Johnson engageait sa responsabilité pénale. Aussi, désormais il jouera sans doute tous les atouts qu’il avait gardés dans la manche pour le derneir round de négociations avec Bruxelles.

La crise de leadership continue

Dans le même temps, les conservateurs britanniques se réunissaient ce dimanche à Manchester. Johnson comptait sur ce grand raout pour unir autour ses troupes d’une « position agressive et unie sur le Brexit » estime Constantine Fraser, analyste au cabinet d’études TS Lombard. Mais force est de constater que la politique de la terre brûlée pratiquée par Boris Johnson a eu un effet boomerang. L’échec de son passage en force a eu pour effet d’aliéner les élus les plus modérés du parti. Sa tentative de mettre le parti au pas a provoqué 21 défections chez les Torries. L’ex-ministre des Finances Philip Hammond, récemment expulsé du parti, a ainsi déploré que sa formation historique était désormais dominée par un « puritanisme idéologique ne tolérant aucune différence d’opinion »

Phillip Lee, autre député frondeur, qui a lui rejoint les Libéraux démocrates (centre droite, pro européens) a pour sa part qualifié le parti conservateur de « parti étroit ». Un avis partagé par Pauline Schnapper, professeure de civilisation britannique à l’université Sorbonne Nouvelle : « Étroit en nombre d’adhérents (160 000 soit trois fois moins qu’au Labour) et surtout en catégories socio-professionnelles : les militants sont très majoritairement âgés et blancs, et pas représentatifs de la population dans son ensemble. Étroit aussi au niveau de son leadership, constitué de tous ceux qui étaient pendant longtemps une minorité au sein du parti, la plus ».

Mais en face, le Labour ne semble pas du tout prêt à reprendre le flambeau. Réunis à Brighton la semaine dernière, ils n’ont semble-t-il pas réussi à régler la crise de leadership interne qui oppose les partisans du Remain, représentés par Tom Watson, le numéro deux du parti et les proches de Jeremy Crobyn, bien plus tiède au sujet de l’Union européenne. Le dirigeant ne semble pas vouloir ouvrir sa position à un compromis plus large. Aussi il est peu probable que qu’il reprenne l’initiative du Brexit – ou puisse compter sur les transfuges du Parti conservateur, qui considèrent Corbyn comme un dangereux gauchiste et lui préféreront certainement les LibDems qui rentabilisent à plein leur positionnement anti-Brexit.

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