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Que faut-il espérer du nouveau report du Brexit ?

À trois jours d’un Brexit « par défaut », une troisième manche commence. Les Vingt-sept ont donné le feu vert à un nouveau report du divorce jusqu’au 31 janvier. Plus de trois ans depuis le référendum où les Britanniques ont voté à 52% pour quitter l’Union européenne, l’affaire est à nouveau repoussée. En effet, pour rappel, le Royaume-Uni devait initialement quitter l’UE le 29 mars, avant que la date ne devienne le 12 avril puis le 31 octobre. Fin 2019 sera-t-il la bonne échéance ?

Bruxelles a finalement décidé d’accorder à Londres un report « flexible » du Brexit au terme duquel, s’il arrive à s’entendre, le Royaume-Uni pourra sortir de l’Union européenne (UE) plus tôt. Il n’est en revanche plus question de renégocier l’accord de divorce obtenu avec Boris Johnson mi-octobre dernier, a toutefois précisé Donald Tusk, ancien Président du conseil de l’Europe, encore en charge de ce dossier.

Ce report est en grande partie dû au revirement de Boris Johnson. Bloqué par son parlement, celui qui préférait « mourir dans un fossé » que de procéder à un nouveau report, est finalement revenu sur sa promesse de divorce fin octobre « coute que coute ». « Je pense que la meilleure manière de concrétiser le Brexit est de se montrer raisonnable avec le parlement. S’il veut vraiment davantage de temps pour étudier cet excellent accord, il peut l’avoir, mais il doit donner son accord pour des élections législatives le 12 décembre », a déclaré le Premier ministre.

L’ouverture française

Autre élément déterminant dans les négociations : le feu vert du camp français. La France était en effet très réticente face à la perspective de ce troisième report – en particulier parce qu’il ne garantit en rien un nouveau vote des britanniques, qu’il s’agisse de législatives ou d’un nouveau référendum. Or, sans vote, pas d’avancée possible. Et, pour Paris, il faut « en finir » au plus vite. Le premier report a cependant permis, à terme d’obtenir un nouvel accord, et a prouvé ne pas être totalement inutile.

Amélie de Montchalin, secrétaire d’État chargée des Affaires européennes, défendait ainsi ce changement de position : « Ce qu’il faut c’est du temps avec un scénario, des justifications. Aujourd’hui si on nous annonce des élections, ce n’est pas complètement aberrant d’avoir quelques semaines ensuite pour que cette nouvelle majorité puisse étudier l’accord qui est sur la table, poser une ratification et qu’on puisse avancer ». D’après elle il est juste de donner du « temps justifié ».

Ce faisant, Emmanuel Macron joue la réconciliation. Paris est soucieuse « de préserver l’unité à 27 » explique-t-on à l’Elysée. Mais Paris risquait aussi de s’isoler à jouer les durs dans un climat européen plutôt conciliant. L’échec de la candidature de Sylvie Goulard à la Commission a souligné la fragilité du projet du Président français, qui s’est mis nombre d’eurodéputés à dos en voulant avancer trop vite dans ses réformes européennes.

Vers des élections anticipées ?

Ce nouveau report pourra-t-il aider les Britanniques à sortir de la profonde impasse politique ? Boris Johnson propose donc de nouvelles élections législatives, une tentative de réaligner le gouvernement, le parlement et la volonté populaire. Seulement pour obtenir une élection générale anticipée, il doit toutefois être soutenu par les deux tiers de la Chambre des communes (434 voix). Conscient de l’obstacle, le Premier ministre sans majorité a une nouvelle fois accusé les députés de retenir le pays « en otage » ce week-end. D’aucuns lui rétorqueront que lui refuser un vote n’est pas plus injuste que de bloquer second référendum, qui lui aussi règlerait la question.

Deux partis partisans du maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE ont d’ailleurs eux-aussi fait une proposition pour déclencher des élections le 9 décembre prochain : le parti national écossais et les Libéraux-démocrates. Ils ont cependant annoncé qu’ils ne soutiendraient pas la motion du parti conservateur. Une initiative visant à reprendre la main sur le processus, et à affaiblir Johnson, qui prétend encore aujourd’hui être aux manettes pour rassurer les Brexiters. Tous deux solides dans les sondages, ces partis espèrent rassembler suffisamment de voix pour organiser un deuxième référendum et tenter d’annuler le Brexit par la voie populaire.

Aussi, une fois de plus, seul le parti travailliste n’a pas réellement pris parti – soucieux de perdre des sièges, sans admettre que c’est avant tout son indécision qui provoque son recul. Jeremy Corbyn a déclaré que son parti soutiendrait une élection « une fois que le risque de Brexit sans accord aura été écarté ». Rien de plus simple : proposer de soutenir l’accord de Johnson contre un second référendum – si la majorité était toujours du côté du « leave ». Mais rien n’est aujourd’hui moins probable. « Man-up » raille le Premier ministre. Dur de ne pas être d’accord, quand on sait qu’un manque de courage politique – ne pas agir en un sens ou l’autre, ou même démissionner – le condamnera aux oubliettes.  

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